En dehors des tribunaux, Goldman Sachs livre depuis deux semaines une autre bataille: celle de l'image. Accusée de fraude par la SEC, le gendarme de la bourse américaine, la banque d'affaires new-yorkaise a engagé une campagne de communication tous azimuts pour redorer son blason écorné. Dans cette stratégie, les auditions de son PDG Lloyd Blankfein et du Français Fabrice Tourre devant le Sénat, mardi, sont capitales.

Accusée depuis le 16 avril par la SEC d'avoir trompé des investisseurs lors de la vente de titres adossés à des crédits hypothécaires à risque («subprimes»), au moment de l'effondrement du marché immobilier aux États-Unis en 2007, Goldman Sachs a depuis rendu coup pour coup sur la scène médiatique. Pour ce faire, elle a engagé une armée de consultants et d'avocats dont la stratégie est claire: rompre avec la traditionnelle culture du secret de la banque, occuper l'espace public et marteler qu'elle n'a rien à se reprocher.

Un plan de communication audacieux mais risqué, selon plusieurs experts, qui soulignent l'importance des auditions de Blankfein et Tourre mardi devant la sous-commission d'enquête du Sénat sur la crise financière. Une mauvaise performance des deux hommes - dans les mots et les attitudes -, et c'est l'image de Goldman Sachs et sa capacité à retenir ses gros clients qui en prendraient un nouveau coup. «Ils vont devoir se montrer humbles. Sinon les sénateurs vont les marteler», estime Tim Metz, expert en communication de crise au cabinet new-yorkais Hullin Metz & Co.

Pour Nomi Prins, ancienne employée de Goldman auteur d'un livre sur la crise financière, l'audition la plus risquée est celle de Fabrice Tourre, ce jeune prodige de la finance de 31 ans, accusé d'avoir conçu et vendu le produit d'investissement au coeur de l'enquête de la SEC. «Dans la mesure où il pourrait se tromper, je trouve cela inhabituellement irresponsable de le laisser témoigner», confie-t-elle.

Lloyd Blankfein et Fabrice Tourre se trouvaient samedi au siège de Goldman, à New York, pour préparer leur audition, selon une source proche du dossier. Le Français s'est également entretenu pendant plusieurs heures avec les enquêteurs du Sénat, précisait-on de même source.

L'affaire tombe d'autant plus mal pour Goldman Sachs qu'elle intervient en pleine offensive de l'administration Obama pour une réforme de la régulation financière. Outre la SEC, la banque doit donc faire face aux parlementaires démocrates favorables à une refonte du système, ainsi qu'à des investisseurs lésés qui ont engagé des poursuites contre elle après la chute de son cours boursier suite à la plainte de la SEC.

Consciente de l'enjeu, Goldman Sachs a engagé une armada d'experts. «Goldman est une entreprise très riche qui mobilise des dizaines de millions de dollars pour cette bataille», explique Thomas Ajamie, avocat de Houston spécialiste des dossiers de fraude financière. «Ils ont engagé des avocats très doués, des lobbyistes et des spécialistes des relations publiques. Il semble qu'ils veulent porter l'affaire sur le devant de la scène.»

La banque a ainsi engagé Mark Fabiani, sommité des relations publiques qui a gagné le surnom de «Maître des catastrophes» pour sa gestion de plusieurs affaires du temps de l'administration Clinton. Côté avocats, la défense est dirigée par le cabinet Sullivan & Cromwell. Au sein de l'équipe figure Greg Craig, ancien conseiller juridique de la présidence Obama.

Goldman Sachs peut également s'appuyer sur le soutien apporté publiquement par quelques-uns de ses plus gros clients au coeur de la tempête, tels le constructeur automobile Ford ou la société privée d'investissement et de conseil Blackstone. «Notre relation avec Goldman Sachs dure depuis des années et nous entendons qu'elle se poursuive», affirme le porte-parole de Ford Mark Truby.

Malgré tous ces efforts, certains experts estiment pourtant que le mal est déjà fait et l'image de Goldman Sachs ternie pour longtemps. La banque «est devenue le symbole de banquiers au coeur de conflits d'intérêts», juge John Coffee, professeur de droit boursier à l'université de Columbia, à New York. «Cette image restera pendant dix ans dans l'esprit des gens».