La justice américaine a accusé jeudi Bank of America (BAC) et son ancienne direction d'avoir «manipulé» les autorités fédérales pour obtenir des milliards de dollars d'aide publique, alors que le régulateur du marché annonçait un nouvel accord pour solder des poursuites parallèles.

Le ministre de la Justice de l'État de New York, Andrew Cuomo, a annoncé jeudi qu'il poursuivait Bank of America, son ancien PDG Kenneth Lewis et son ex-directeur financier Joe Price pour avoir caché les pertes de sa filiale Merrill Lynch et «manipulé» les autorités pour obtenir une aide fédérale massive.

Le responsable du Trésor chargé de veiller à la bonne utilisation des fonds débloqués à l'automne 2008 pour sauver le système financier, Neil Barofsky, se tenait au côté de M. Cuomo lorsque celui-ci a affirmé que les dirigeants de Bank of America s'étaient livrés à une «manoeuvre arrogante» et avait commis «une énorme fraude».

La plainte affirme que la direction de Bank of America a volontairement caché les pertes massives de la banque d'affaires Merrill Lynch, qu'elle avait décidé de racheter au moment de la crise en septembre 2008, «afin que ses actionnaires votent en faveur de la fusion» début décembre.

Elle reproche également à la banque de n'avoir pas révélé les primes colossales (3,6 milliards de dollars) qui devaient être versées aux cadres de Merrill Lynch.

Enfin, «une fois la transaction approuvée, la direction de Bank of America a manipulé le gouvernement fédéral pour qu'il sauve la transaction grâce à des milliards de dollars du contribuable, en affirmant faussement qu'elle renoncerait à l'accord sans une aide», affirme encore le responsable de l'État de New York.

La banque a réagi en se disant «déçue» et affirmé que ses dirigeants avaient toujours été «de bonne foi». M. Lewis et M. Price ont chacun affirmé, via leurs avocats respectifs, que les accusations étaient sans fondement.

La plainte de 90 pages de M. Cuomo se termine sur la réclamation de pénalités financières non chiffrées.

M. Cuomo a indiqué qu'il soutenait également l'accord annoncé le jour même par la SEC, le gendarme de la Bourse.

L'accord conclu par la SEC et la banque relève de 33 millions à 150 millions de dollars la pénalité due par Bank of America pour solder d'autres poursuites liées également à l'acquisition de Merrill Lynch. Le régulateur reprochait notamment à Bank of America d'avoir autorisé le versement des primes à Merrill Lynch, en dépit de pertes colossales en 2008.

Cet accord, qui doit encore être validé par le juge ayant refusé l'été dernier la transaction à 33 millions de dollars, doit servir à dédommager les actionnaires lésés.

Il prévoit en outre diverses mesures pour que la banque renforce ses procédures afin d'éviter que de tels écarts se reproduisent, et stipule notamment que les actionnaires auront désormais leur mot à dire sur la rémunération de l'équipe dirigeante.

Pour M. Cuomo, ces mesures «sont des réformes importantes, et garantissent que des mesures seront prises immédiatement pour empêcher que la loi soit violée à l'avenir, sans attendre l'issue de la plainte que nous déposons aujourd'hui».

L'affaire remonte aux heures les plus sombres de la crise financière: le 15 septembre M. Lewis tout sourire avait annoncé l'acquisition à bon compte de Merrill Lynch, «une opportunité stratégique qui n'arrive qu'une fois dans sa vie».

La transaction avait été approuvée le 5 décembre par les actionnaires de Bank of America.

En janvier seulement, Bank of America avait révélé les pertes colossales de sa nouvelle filiale (15,8 milliards de dollars sur le seul quatrième trimestre), et le gouvernement annonçait qu'il portait de 25 à 45 milliards de dollars son aide, pour l'aider à avaler cette opération.

L'affaire a coûté son poste à M. Lewis, qui démissionné en décembre.