Les autorités françaises ont récemment mis la main sur des données informatiques cryptées émanant de la banque britannique HSBC qui risquent de faire saliver les autorités fiscales de plusieurs pays occidentaux, dont celles du Canada.

Un procureur de Nice, Éric de Montgolfier, qui mène une enquête pour blanchiment d'argent, a déclaré que des données obtenues d'un ex-employé de la firme à Genève, Hervé Falciani, contenaient les noms de 130 000 clients de l'établissement.

M. Falciani, ressortissant franco-italien à l'emploi de HSBC depuis 2002, s'est réfugié dans le sud de la France, avec femme et enfant, peu de temps après avoir été arrêté et interrogé en décembre par des enquêteurs suisses. Ils le soupçonnaient de s'être introduit frauduleusement à plusieurs reprises dans le système informatique de l'entreprise.

Le cadre informatique a contacté de son propre chef les autorités fiscales françaises à son arrivée dans l'Hexagone pour leur proposer les renseignements dont il disposait. Agissant à la demande de la Suisse, la police française a parallèlement effectué une descente à la nouvelle résidence du fuyard et saisi son ordinateur, qui contenait une foule de données.

M. Falciani a déclaré dimanche au cours d'une entrevue exclusive accordée à la chaîne France 2 qu'il aidait aujourd'hui les autorités à décrypter le contenu.

«J'aide à la compréhension des faits et, après, c'est du ressort de la justice», a déclaré l'ex-employé, qui se dit convaincu d'avoir mis au jour un système élaboré d'évasion fiscale.

«Si vous découvrez que des strates de structure offshore ne servent qu'à contourner les prélèvements et que la seule légitimité de ces structures est là, que faites-vous? Soit vous faites l'autruche, soit vous essayez de comprendre!» a-t-il expliqué.

L'affaire embarrasse les dirigeants de HSBC, qui s'efforcent depuis quelques jours de minimiser sa portée.

Hier, un porte-parole de l'entreprise a affirmé à La Presse que M. Falciani montrait son manque de crédibilité en alléguant que la banque a voulu aider des clients à échapper au fisc.

«Nous faisons tout pour être en conformité avec les lois», a indiqué le porte-parole en question, qui a demandé de ne pas être identifié nommément.

L'homme a précisé que les données emportées par M. Falciani contenaient, selon ce que sait la banque, une dizaine de noms seulement, une affirmation totalement incompatible avec les déclarations des autorités françaises.

Le ministre du Budget, Eric Woerth, a déclaré il y a quelques jours, à la suite d'un article du quotidien Le Parisien divulguant l'affaire, que les données avaient permis d'identifier 3000 Français soupçonnés d'évasion fiscale.

L'histoire risque de prendre rapidement une dimension internationale puisque le procureur de Nice a précisé que des ressortissants de plusieurs autres pays que la France figuraient dans la liste.

«Il y a parmi eux 3000 Français, dont 600 dans les Alpes-Maritimes. Pour les autres, de très nombreux pays sont représentés, la Colombie ou l'Italie notamment», a déclaré M. de Montgolfier.

La Presse a tenté en vain hier de savoir auprès du secrétaire du procureur si des Canadiens figuraient sur la liste.

Des Canadiens?

D'autres incidents ont récemment fait monter la pression en matière d'évasion fiscale au Canada, où plus de 7000 contribuables ont choisi, au cours des huit derniers mois, de procéder à une divulgation volontaire pour se mettre en ordre.

Le ministre du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, qui veut resserrer les contrôles existants, a précisé que les revenus non déclarés par ces personnes totalisaient près de 2 milliards de dollars.

Près d'une centaine des contribuables concernés disposaient d'un compte chez UBS, autre géant bancaire suisse qui a récemment accepté de divulguer les noms de 4450 clients américains soupçonnés d'évasion fiscale à la suite d'un long bras de fer avec les États-Unis.

Le Canada tente depuis d'obtenir des renseignements sur les ressortissants canadiens qui utilisent les services de la banque, faisant du même coup pression indirectement sur les contribuables qui ont caché des revenus à l'étranger.

L'Agence de revenu du Canada passe aussi au crible les activités bancaires au Liechtenstein d'une centaine de Canadiens qui figuraient dans une liste de noms vendue aux autorités allemandes en 2008.