Il y a un an, les banques canadiennes affrontaient la pire crise financière en trois quarts de siècle. Mais ces jours-ci, dans l'attente de leurs résultats annuels, cette crise n'apparaît guère plus qu'un vilain accident de parcours.

Selon les prévisions d'analystes, les six principales banques du pays devraient retrouver un profit cumulatif de l'ordre de 19 milliards de dollars pour l'exercice terminé le 30 octobre.

Une telle somme, si elle s'avère, représente un rebond de 56% par rapport au profit total de 12 milliards de l'an dernier.

Cet exercice 2008, faut-il le rappeler, avait été marqué en fin de parcours par de coûteuses dépréciations de divers actifs financiers et boursiers parmi les banques.

Mais un an plus tard, le profit total d'environ 19 milliards attendu pour les six principales banques s'annonce d'une ampleur comparable aux deux exercices antérieurs à la crise, en 2006 et 2007.

«Malgré la crise de l'an dernier, les banques canadiennes sont demeurées bien capitalisées et très rentables, avec une base de revenus bien diversifiée», résume Kevin Choquette, analyste des banques et services financiers chez Capitaux Scotia, dans un pronostic bancaire envoyé il y a quelques jours à ses clients-investisseurs.

Selon Peter A. Rosenberg, analyste bancaire chez le groupe européen UBS, la résilience des banques canadiennes face au krach financier et la récession devrait leur permettre de générer des milliards de dollars en capital excédentaire d'ici deux ou trois ans.

Assez, croit-il, pour motiver un cycle important d'acquisitions de croissance, de hausses de dividendes aux actionnaires et même de rachats d'actions en circulation.

Mais dans l'immédiat, la Banque de Montréal (BMO) était la première en piste hier avec ses résultats de fin d'exercice 2009 qui se sont avérés meilleurs que ce que prévoyaient les analystes.

Le profit net de 647 millions au quatrième trimestre est supérieur de 16% à celui de l'an dernier, malgré le doublement des provisions pour mauvais prêts, une conséquence de la récession.

Par ailleurs, à hauteur de 1,13$, le bénéfice trimestriel par action (avant frais non récurrents) est supérieur de 15% aux prévisions d'analystes.

Précaution

Pour tout son exercice 2009, la Banque de Montréal déclare un bénéfice net de 1,78 milliard. C'est presque 200 millions de moins que l'an dernier, mais cette différence est équivalente à la hausse des provisions pour pertes sur prêts.

Sans cette précaution de conjoncture économique, commune parmi les banques d'ailleurs, BMO aurait dégagé un bénéfice net avoisinant les 2 milliards en 2009.

Une telle somme aurait été comparable à celle des deux exercices précédents, malgré la traversée d'une grave crise financière.

Après ces résultats de BMO, c'est la semaine prochaine que seront divulgués les résultats de fin d'exercice des autres banques.

Mais déjà, l'optimisme prévaut parmi les investisseurs boursiers et les analystes.

«Les résultats favorables de BMO sont un bon aperçu de ce qu'on devrait apprendre des autres banques: le pire de la crise financière et de la récession est passé», commente John Kinsey, gestionnaire de portefeuille chez Caldwell Securities, à Toronto.

Selon Craig Fehr, analyste de la Bourse canadienne chez le gros courtier américain Edward Jones, à St.Louis, au Missouri, les résultats de fin d'exercice de BMO, en particulier sa baisse de provisions pour mauvais prêt entre les troisième et quatrième trimestre, sont de bon augure pour tout le secteur bancaire canadien.

«C'est très positif, parce que les tendances dans le marché du crédit demeurent les principaux facteurs de risque pour la rentabilité des banques canadiennes au cours des prochains trimestres», selon Craig Fehr.

Regain de confiance

En Bourse, les investisseurs affichent depuis plusieurs mois leur regain de confiance envers le secteur financier canadien, après les gros frissons de l'an dernier.

En fait, les actions des principales banques canadiennes se sont appréciées deux fois plus vite depuis le début de l'année que l'indice de marché S&P/TSX à la Bourse de Toronto.

Même la principale banque québécoise, la Banque Nationale, a plus que doublé de valeur en Bourse depuis le début de l'année.

Il faut dire qu'auparavant, les actions de la Nationale avaient longuement peiné en Bourse des suites de l'implication de la banque dans la crise des papiers commerciaux au Canada. (PCAA).

En 2007, les coûts de cette crise avaient fait plonger le bénéfice annuel de la Nationale de 27%, à 541 millions.

La Nationale vers un sommet

Mais dès l'exercice suivant, malgré la crise financière, la Nationale avait redressé son bénéfice annuel à 776 millions.

Pour l'exercice 2009, les analystes s'attendent à un bénéfice annuel avoisinant le milliard de dollars, ce qui serait un sommet historique.

«Jusqu'à maintenant, la Banque Nationale a été la meilleure gestionnaire de ses pertes sur mauvais prêts parmi les principales banques canadiennes», estime Peter A. Rozenberg, de la firme UBS.

 

LA CRISE DERRIÈRE LES BANQUES

Ensemble des profits des banques canadiennes par exercice financier

2006

19,1 milliards

2007

19,5 milliards

2008

12,3 milliards

2009(1)

19,2 milliards

Sources : banques, Bloomberg

(1) : Amalgame des prévisions d'analystes pour l'exercice terminé le 30 octobre 2009, incluant les résultats annoncés par la Banque de Montréal (BMO)

 

REBOND EN BOURSE

Banque / Regain boursier en 2009

Banque de Montréal (BMO) / "73%

Banque Nationale (NA) / "102%

Banque Scotia (BNS) / "49%

Banque Royale (RY) / "61%

Banque de Commerce (CIBC) / "35%

Banque Toronto-Dominion (TD) / "55%

Indice de marché S&P/TSX / "28%

Source: Bloomberg