Réclamée par les autorités, les marchés et l'opinion, la réforme de la régulation financière ne devrait pas devenir réalité avant plusieurs années, du fait de la complexité du sujet mais aussi de divergences marquées entre Européens et Américains.

Partie émergée de la régulation financière, les bonus cristallisent actuellement les débats préalables au G20 de Pittsburgh, qui devraient déboucher sur des mesures d'encadrement concrètes.

Mais «il est important que les gens ne croient pas que si l'on règle la question des bonus, on aura tout solutionné», a mis en garde lundi le ministre britannique des Finances, Allistair Darling sur la chaîne financière CNBC.

Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférence à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne «l'ordre de priorité est pour l'instant loin d'être respecté». Il est «plus vendeur de parler des paradis fiscaux et des traders» que de ratios et de bilan, regrette-t-elle.

Un an après l'implosion de Lehman Brothers, le cadre réglementaire reste inchangé, notamment sur les points cruciaux que sont les fonds propres, la liquidité, l'endettement ou les provisions.

La réflexion avance néanmoins, comme en témoignent les propositions, début septembre, du G20 Finances de Londres et du groupe des banquiers centraux et régulateurs.

Des recommandations qui portent l'empreinte très nette des États-Unis.

«On revient à une situation qui était celle qu'on connaissait avant la crise, c'est à dire celle d'une domination des conceptions américaines», estime Nicolas Véron, économiste au sein de l'institut d'études européennes Bruegel.

Les autorités américaines sont notamment favorables à une augmentation systématique des exigences de fonds propres pour les banques.

Mais beaucoup d'Européens rechignent, estimant que la prise en compte des risques doit être le seul critère de définition des besoins en capitaux propres.

C'est l'approche promue par les normes prudentielles dites de Bâle II, qui sont déjà appliquées en Europe mais ne le seront pas aux États-Unis avant 2011, au mieux.

Le président de la Fédération bancaire française (FBF) Baudouin Prot a appelé mercredi autorités et régulateurs à se «méfier» d'objectifs de fonds propres «très élevés», qui auraient «évidemment un impact en termes de volumes de crédit et de coût du crédit».

Relever les exigences de capitaux propres forcerait, en effet, les banques à augmenter leurs réserves et renchérirait le coût des crédits, tout en immobilisant de l'argent qui ne pourrait plus être prêté aux clients.

Un argument qui vaut également pour le ratio de levier, réclamé par le Trésor américain, qui limiterait la taille des engagements d'une banque par rapport à ses fonds propres. Les banques françaises y sont réticentes, invoquant des différences comptables très défavorables aux banques européennes.

Pour autant, si la question des fonds propres reste débattue, un consensus se dégage sur plusieurs points importants, comme la nécessité d'un ratio de liquidité, de provisions dynamiques (constituées en période favorable pour mieux encaisser les crises) et d'un «testament» pour dénouer les engagements d'une banque en difficulté.

Mais «comme ce sont des mesures techniques, il ne faut pas s'attendre à des annonces concrètes sur le sujet» au G20, estime Gunther Capelle-Blancard, professeur d'économie à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Le Trésor américain table ainsi sur un accord fin 2010 et sur une mise en place fin 2012.