Les pays de l'UE ont accepté lundi de négocier un accord permettant aux États-Unis de continuer à accéder aux informations bancaires du réseau Swift dans le cadre de la lutte anti-terroriste, une initiative qui suscite des craintes en Europe.

Les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles ont donné mandat à la présidence suédoise de l'UE et à la Commission européenne de négocier un tel accord, même si plusieurs d'entre eux ont exprimé des réserves.

«J'ai les mêmes inquiétudes que les citoyens» concernant la protection des données personnelles, a ainsi déclaré le chef de la diplomatie du Luxembourg, Jean Asselborn.

«Il ne s'agit en aucune façon de donner un chèque en blanc aux États-Unis, comme certaines critiques veulent le faire croire», a assuré lundi le commissaire aux Liberté et à la Justice Jacques Barrot dans une déclaration.

Les dirigeants des Verts au Parlement européen estiment que cet accord «menace les droits fondamentaux des citoyens».

Le mandat de négociation vise à la conclusion d'un «accord temporaire de la durée de quelques mois», a expliqué Jacques Barrot.

«Les États-Unis pourront continuer à accéder temporairement aux données considérées comme nécessaires, seulement à la suite d'une vérification de la légalité de leurs demandes et sous contrôle judiciaire strict», a-t-il assuré.

«Le gouvernement allemand a posé des conditions strictes auxquelles la Commission va devoir se tenir», a insisté Günter Gloser, secrétaire d'État allemand aux affaires européennes.

«L'Autriche s'est beaucoup mobilisée pour que dans le mandat de négociation la protection des données joue un rôle important», a renchéri le ministre autrichien des Affaires étrangères, Michael Spindellegger.

L'organisme Swift, dont le siège est près de Bruxelles, traite les flux financiers de près de 8.000 banques dans le monde et coopère depuis les attentats de septembre 2001 aux États-Unis avec Washington pour fournir des données dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Or, il vient de décider de compartimenter à l'avenir le traitement de ces données. Il prépare pour octobre le transfert de ses banques de données (hors données américaines) aux Pays-Bas.

Sans accord avec Washington, cette réorganisation obligerait les États-Unis à compter sur la seule bonne volonté des différents pays de l'UE pour avoir accès aux informations sur les Européens.

D'où la nécessité de négocier un accord transitoire avec l'UE, le temps de boucler des négociations plus larges sur la protection des données des particuliers auquel le Parlement européen sera «pleinement associé», a affirmé  M. Barrot.

«Il serait extrêmement dangereux d'interrompre la surveillance et la vérification des flux d'informations qui se sont montrés très efficaces dans le passé pour lutter contre le financement et les attentats terroristes», a averti le commissaire face aux critiques.

D'autant que seuls les Américains ont «le savoir-faire, les ressources et le cadre juridique pour traiter ce genre de données», a souligné son porte-parole.

L'administration américaine n'a pas toujours joué le jeu. L'UE a protesté en 2007 contre l'utilisation irrégulière de données personnelles obtenues du réseau Swift par le Trésor américain dans le cadre d'un programme secret.

Washington a alors été contraint d'accepter une mise sous surveillance. Cette mission a été confiée en mars 2008 à l'ancien juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière.