Si l'arrivée du controversé Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement avait causé la tempête, celle de son nouveau bras droit devrait être beaucoup plus calme. Car le Français Roland Lescure est peut-être très connu en Europe, mais il l'est très peu de ce côté-ci de l'Atlantique.

Roland Lescure, 42 ans, deviendra à l'automne premier vice-président et chef des placements de la Caisse, poste laissé vacant depuis que Richard Guay a été placé brièvement à la tête de l'institution, il y a un an. Il est avant tout présenté par la Caisse comme un gestionnaire au style prudent, «qui correspond tout à fait au profil d'investisseur à long terme de la Caisse», a déclaré Michael Sabia par voie de communiqué.

M. Lescure occupe présentement le poste de directeur des gestions de Groupama Asset Management, sixième société française d'investissement.

Cette filiale de la plus grande mutuelle d'assurances de l'Hexagone gère plus de 80 milliards d'euros (125 milliards CAN). En comparaison, la Caisse de dépôt avait un actif sous gestion de 220 milliards à la fin de 2008.

Un financier prudent

Très présent dans la presse économique européenne, M. Lescure est souvent invité à commenter les marchés boursiers ou les tendances économiques. Interviewé par le site spécialisé capital.fr au début du mois de juillet, il disait ne pas croire au dernier rebond boursier et annonçait une correction. Mais il a salué le rôle indispensable des plans de relance économique.

Pendant les derniers mois, M. Lescure et Groupama AM ont sous-pondéré les actions (à 40%, contre 60% pour les obligations) et privilégié les secteurs défensifs. Les derniers développements de l'économie ont quelque peu modifié l'analyse, avait indiqué M. Lescure à l'agence Reuters à la fin de juin.

«Le marché du crédit, tout comme le marché des actions, commence clairement à trier les sociétés au sein de chaque secteur: les entreprises qui auront préservé leur capacité financière et qui sauront gagner des parts de marché sortiront gagnantes de la crise.»

«Nos choix d'investissement se concentrent désormais sur l'analyse des entreprises, la sélection des titres reprenant le pas sur l'allocation sectorielle dans la construction des portefeuilles.»

En mars, il a présenté sa vision de l'économie de l'avenir dans un article du journal Les Échos. Une économie qui appellera à la cohabitation entre «le pragmatisme des entrepreneurs, le savoir des économistes et le volontarisme des gouvernements».

«Ce sera une économie davantage prospective sur le long terme, économe en matières premières et énergétiques, soucieuse de l'environnement, innovante en matière de technologie, responsable du point de vue de l'homme, avait-il ajouté. Une croissance différente, intelligente mais bien réelle.»

Économiste de formation, M. Lescure a travaillé au ministère des Finances de France dans les années 1990, avant de passer dans la gestion de placements en 1999.

Choisi parmi 100 candidats

À la Caisse, M. Lescure sera responsable de la stratégie de placement, de la répartition de l'actif du portefeuille global et de la recherche concernant les activités d'investissement. Il supervisera aussi les investissements dans les actions, les titres à revenus fixes, les devises et les produits de base, et pourra donner son avis en ce qui concerne les placements privés et immobiliers.

Le nouveau chef des placements, qui n'a pas accordé d'entrevue hier, empochera un salaire de base annuel de 450 000$, en plus des bonus.

Plus de 100 professionnels du placement de partout dans le monde ont été considérés pour le poste, a indiqué le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon.

Michael Sabia a rencontré six candidats - il s'est déplacé en Europe pour discuter avec M. Lescure - avant de faire sa recommandation au conseil d'administration.

Le PDG ne connaissait pas M. Lescure avant le processus de sélection, a indiqué Maxime Chagnon. «On cherchait quelqu'un avec une solide feuille de route sur le plan de la régularité des performances et de la gestion des risques, dit M. Chagnon. On voulait aussi quelqu'un qui avait une expérience dans une institution d'une taille comparable à la Caisse et qui pouvait travailler en français.»

Selon nos informations, Pascal Duquette, de Gestion de portefeuille Natcan, a été l'un de ceux qui ont été sérieusement considérés pour le poste.

Quant à Richard Guay, il est toujours à l'emploi de la Caisse dans un rôle de conseiller au président.

> Lisez le dossier de presse de Roland Lescure et regardez une entrevue télévisée