Ceux qui sont allés à New York dernièrement ont vu le changement de décor dans le paysage bancaire: les affiches vertes de la Banque TD sont de plus en plus visibles. Et s'il n'en tient qu'au stratège en chef du groupe financier, le Québécois Bernard Dorval, c'est sur toute la côte Est qu'elles feront leur apparition.

«Est-ce qu'on a fini? On est loin d'avoir fini!» demande et répond lui-même le numéro 2 du Groupe financier Banque TD quand il est question de sa percée américaine.

Après deux acquisitions aux États-Unis - Banknorth en 2004 et Commerce en 2008 -, la TD possède quelque 1200 points de service du nord-est des États-Unis à Washington en plus de succursales en Virginie et en Floride. Ces banques sont actuellement en train de changer leur bannière et deviennent progressivement des TD Bank bien vertes, avec le slogan «La banque américaine la plus pratique«.

Mais clairement, la TD veut augmenter son offre de services sur l'ensemble de la côte Est, du nord au sud. «C'est un marché de 100 millions de personnes. Aujourd'hui, on a 1200 magasins, on couvre peut-être la moitié du marché», souligne celui qui est chef de groupe de la stratégie et des activités mondiales d'assurances, en plus d'être président suppléant de TD Canada Trust.

La déconfiture du marché financier américain permet à la TD d'envisager des acquisitions à un coût moindre. Ébruité par des sources américaines, l'intérêt de la TD pour la floridienne BankUnited n'est même plus démenti par M. Dorval. «Nous, on pense que la Floride, c'est un marché où il va y avoir de la croissance... C'est un marché où on veut être à long terme», dit-il.

Et l'économie?

Cette volonté de s'installer au sud de la frontière et de devenir «la première vraie banque nord-américaine« s'affirme alors que l'économie américaine traverse sa pire récession depuis les années 30. Les provisions pour mauvais prêts de la TD, aux États-Unis seulement, s'élèvent à 177 millions de dollars pour les six premiers mois de l'année, comparativement à 9 millions pour la même période en 2008.

Le coeur de la crise, c'est actuellement, selon M. Dorval. «Ça peut augmenter encore un peu, mais on est dedans.»

En fait, quand il analyse l'économie américaine, il estime que celle-ci n'a pas fini d'éliminer des emplois, même si la cadence des licenciements diminue. Idem pour le prix des maisons, qui se stabilise. Il y a également les Américains, qui dépensent moins. «Je pense qu'on n'a pas encore vu tout l'impact de la baisse des ventes au détail.»

D'un autre côté, «on n'a pas encore vu l'impact des stimuli en termes de création d'emplois».

Bref, quand il prend tous ces facteurs en compte, il s'attend à une reprise dans six ou huit mois. Une reprise qui pourrait être bien lente, si on se fie au scénario de nombreux économistes.

Même lui admet que les belles années sont derrière nous. «La croissance du marché américain au complet - comme en passant celle du marché canadien - pendant plusieurs années, ce ne sera pas peut-être comme ce qu'on a connu dans les 10, 15 dernières années.»

Mais il croit que le positionnement de la TD aux États-Unis - que la firme J.D. Power a classée pendant quatre années de suite en première place dans le cadre d'un sondage sur la satisfaction de la clientèle - lui permettra de grandir plus vite que le marché, qui compte 8000 banques. «Il y a de la place pour de la consolidation.»

Les Américains ont intérêt à s'habituer à ce vert venu du nord, typique de la TD.

Présence accrue au Québec

La Banque TD a beau avoir augmenté son nombre de succursales au Québec, elle ne détient qu'environ 7% du marché.

De 80 il y a trois ans et demi, le nombre de comptoirs bancaires est passé à 104 cette année.

«Je leur avais donné ça en quatre ans, ils l'ont fait en trois ans», lance fièrement Bernard Dorval. Même s'ils sont l'image la plus frappante des services offerts par les banques, la priorité de la TD n'est pas tant l'ouverture de nouvelles succursales au Québec au cours des prochains mois.

«C'est beaucoup plus de m'assurer que l'ensemble des autres services bancaires et de la gestion de placement avancent à la même vitesse», explique le gestionnaire originaire de Québec.

Quand on lui souligne qu'à 7% du marché, la TD est loin de sa part dans le reste du Canada, il souligne que les institutions locales (lire Desjardins et la Banque Nationale) en accaparent 50%. La TD a donc «14% du reste».