Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a annoncé l'implantation, jeudi matin, de neuf mesures de réglementation des cartes de crédit, dont l'objectif est de protéger les consommateurs et de mieux les informer de leur situation financière réelle.

Les mesures ne limiteront toutefois pas les hausses des taux d'intérêt, puisque les Canadiens ont déjà un choix suffisant au sein d'un système financier fonctionnel, a fait valoir le ministre.

«Il y a des dizaines et des dizaines d'options pour les consommateurs - certaines cartes de crédit aux taux d'intérêt plus élevés offrent plus d'avantages et de bénéfices, des points, différentes choses», a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse.

«Notre préoccupation, c'est de s'assurer que les consommateurs ont facilement accès à une information claire, afin qu'ils puissent faire des choix éclairés», a-t-il ajouté.

Selon le ministre des Finances, les modifications feront en sorte que le Canada demeure à l'avant-garde en matière de protection des consommateurs dans le secteur des services financiers.

Les institutions financières s'étaient toutefois opposées aux nouvelles mesures, a précisé le ministre.

«C'est un important changement; cela coûtera des dizaines de millions de dollars aux institutions financières», a-t-il expliqué.

M. Flaherty a notamment confirmé l'uniformisation du délai de grâce à une période minimale de 21 jours sans intérêt pour tout nouvel achat quand les soldes sont payés à la date prévue.

M. Flaherty a rappelé que les délais de grâce que certains émetteurs de cartes de crédit accordent pour les nouveaux achats varient présentement entre 15 et 24 jours, lorsque le consommateur règle l'intégralité du solde. Toutefois, a-t-il ajouté, d'autres émetteurs appliquent des intérêts au cours de cette période, ce qui revient à ne pas accorder de délai de grâce si un solde de la période précédente est reporté.

«Si un consommateur reporte le solde d'un compte d'un mois à un autre, certaines cartes n'accorderont pas de période de grâce pour les nouveaux achats - ils facturent immédiatement des intérêts sur le solde total, tant pour l'ancien solde que pour les nouveaux achats du mois», a-t-il détaillé.

Une deuxième mesure forcera les émetteurs, dans le cas de demandes de cartes de crédit, à afficher tous les renseignements importants, notamment les taux d'intérêt, les délais de grâce et les frais, dans une section encadrée visible, plutôt que de les rédiger en petits caractères en bas de page. Les institutions devront également préciser, sur les relevés mensuels, si les taux d'intérêts seront majorés pour la prochaine période couverte par le relevé.

Le gouvernement fédéral exigera également que les relevés mensuels indiquent clairement le temps nécessaire pour un détenteur de carte pour régler son solde s'il n'effectue que le paiement minimal en fonction du taux d'intérêt courant.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral interdira à une institution financière de communiquer avec un débiteur, ou toute personne de sa connaissance, d'une façon ou à une fréquence propre à constituer du harcèlement.

L'institution ne pourra pas non plus communiquer avec le débiteur les jours fériés ou les soirs, ni avec l'employeur d'un débiteur dans un autre but que de vérifier son lien d'emploi, le poste qu'il occupe et son adresse professionnelle, à moins d'y être autorisée par écrit par le débiteur.

Aussi, l'institution ne pourra pas augmenter la limite de crédit applicable à la carte de crédit d'un emprunteur sans avoir préalablement obtenu son consentement exprès pour le faire.

Des réactions mitigées dans l'opposition

Ces mesures ont été fortement critiquées par le Nouveau Parti démocratique de Jack Layton, selon qui les conservateurs sont incapables de «mettre fin aux pratiques déloyales des émetteurs de cartes de crédit».

«Aujourd'hui les banques ont gagné, et les consommateurs et la classe moyenne ont perdu», a scandé M. Layton, ajoutant que les familles n'avaient rien à espérer des «demi-mesures» annoncées.

En plus de ne pas légiférer sur les taux d'intérêt, les mesures annoncées jeudi ne portent pas non plus sur les frais d'interchange des cartes de crédit prélevées lors de transactions dans des commerces. Les comités parlementaires se penchent toutefois sur la question, a noté M. Flaherty.

Du côté du Bloc québécois, le leader parlementaire du parti, Pierre Paquette, a reproché au ministre d'avoir «accouché d'une souris».

«La plupart des mesures de transparence annoncées par le ministre sont déjà des acquis au Québec, et, dans ce sens-là, (le ministre) a totalement raté la cible», a déploré le député de Joliette. On s'est arrêté là où les banques ne voulaient pas qu'aille le gouvernement. Encore une fois, c'est au détriment de l'intérêt des consommateurs et de la grande majorité de la population qu'ont agi les conservateurs».

A l'instar du NPD et du Bloc, le porte-parole libéral en matière de finances, John McCallum, a regretté à son tour que les nouvelles règles ne légifèrent pas pour augmenter la concurrence ou pour régler le problème de l'interchange - les frais de traitement déboursés par les détaillants pour les achats par cartes de crédit.

M. McCallum, ancien économiste en chef à la Banque Royale, a néanmoins estimé que les mesures du gouvernement n'était «pas un mauvais début, mais ils (les conservateurs) devront terminer le travail».