Montréal est au coeur d'un litige juridique qui touche la Stanford International Bank, l'institution accusée d'une fraude massive dans 113 pays.

Deux séquestres s'affrontent en Cour supérieure, à Montréal, pour mettre la main sur les restes de la banque au Canada. Dans le coin gauche se trouve le séquestre désigné pour la Banque Stanford dans le paradis fiscal d'Antigua. Dans le coin droit, il y a celui qui traite des mêmes questions pour le Groupe Stanford aux États-Unis.

 

Fait surprenant, le séquestre américain soutient que celui d'Antigua a «possiblement effacé des données électroniques dans les serveurs de la banque situés à Montréal».

Le 16 février, rappelons-le, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a fait geler les actifs de Stanford, accusant l'organisation et ses dirigeants Robert Allan Stanford, James M. Davis et Laura Pendergest-Holt de fraude massive. La banque a vendu 7,2 milliards US de certificats de dépôt en promettant des rendements irréalistes, selon la SEC.

Le jour même, la SEC a nommé le séquestre Ralph Janvey, du Texas, pour gérer l'affaire. Il faut savoir que le siège social de la banque Standford est à Antigua, mais que les principales activités avaient lieu aux États-Unis.

Pendant ce temps, une autre équipe de séquestres est nommée à Antigua, de la firme Vantis. Au début d'avril, cette équipe de Vantis a reçu l'autorisation de la Cour supérieure du Québec de prendre le contrôle des avoirs canadiens de la banque. Les deux représentants de Vantis, dont Nigel Hamilton-Smith, ont convaincu le juge d'accéder à leur demande étant donné que le bureau de représentation de la banque à Montréal relevait du siège social d'Antigua.

Or, le 15 avril, le séquestre américain Ralph Janvey a contesté ce jugement. Il soutient qu'un juge des États-Unis lui avait accordé les pleins pouvoirs sur les avoirs de Stanford, où qu'ils soient dans le monde. Dans sa requête, Me Janvey dit que la fraude alléguée touchait principalement des Américains.

Des données effacées?

Selon cette requête, le syndic d'Antigua a «possiblement effacé des données électroniques dans les serveurs de la banque situés à Montréal».

Pour étayer cette allégation, Me Janvey s'en remet notamment à la visite d'un de ses officiers dans les bureaux de l'avenue McGill College, à Montréal, à la fin de mars. Le jour de sa visite, l'officier en question est confronté au représentant de l'autre séquestre, celui d'Antigua.

L'officier réussit tout de même à visiter les locaux, mais constate que, sur l'écran d'un des serveurs, il est écrit: Secure Erasing is in progress: 76% (un effacement sécuritaire est en cours: 76%).

L'officier tente d'en savoir plus, mais, sur le coup, il ne peut joindre l'avocate responsable du dossier pour Vantis à Montréal. Plus tard, le séquestre américain communique par écrit avec l'avocate (Julie Himo, de Ogilvy Renault).

Il lui demande de récupérer toutes les données ayant été détruites par Vantis dans les serveurs de Montréal. Dans une communication ultérieure, le séquestre américain demande à Ogilvy de confirmer qu'il n'y a pas eu de données effacées des serveurs de Montréal et, advenant que des données aient été déplacées, de lui indiquer où sont de telles données.

Deux semaines plus tard, Julie Himo répond «qu'il n'y avait pas de données de clients sur les serveurs effacés, qui servaient pour faire certains types de copie de sécurité de la banque, et que les données des clients ont été déplacées lors des tests pour préserver leur confidentialité» (NDLR: traduction libre).

Le séquestre américain en déduit que le séquestre d'Antigua a détruit les données de la copie de sécurité à Montréal et les a déplacées à Antigua.

Quoi qu'il en soit, le séquestre américain Ralph Janvey demande que soit révoqué le mandat de Vantis et que la Cour supérieure du Québec accorde ce mandat à son propre représentant canadien (Ernst&Young).

Par ailleurs, la requête nous apprend que l'argent d'une grande partie des certificats de dépôt vendus (7,2 milliards US) transitait par le Canada ou l'Angleterre avant d'aboutir en Suisse ou aux États-Unis. Rappelons qu'il reste l'équivalent de 22 millions US des clients dans des comptes de la Banque TD, à Toronto. Globalement, 224 Canadiens auraient investi l'équivalent de 308,3 millions US dans la banque Stanford, selon Vantis.

L'avocate Julie Himo, d'Ogilvy Renault, n'a pas voulu faire de commentaires.