La rémunération des dirigeants d'entreprises doit tenir compte davantage de la prise de risques et de l'«équité interne», a soutenu lundi le président et chef de la direction de l'Industrielle Alliance (T.IAG), Yvon Charest.

«Dans plusieurs cas, la rémunération est tout simplement excessive, au point de soulever l'indignation et la colère populaire», a convenu M. Charest au cours d'un discours prononcé à la tribune du Cercle canadien de Montréal.

Pour retrouver un juste «équilibre» en la matière, il faut d'abord relier correctement la rémunération au risque, a suggéré le dirigeant.

«Dans plusieurs entreprises, les dirigeants sont assurés d'une bonne rémunération quelle que soit la performance de l'organisation, a-t-il souligné. Si la performance est bonne, les dirigeants reçoivent un boni bien mérité et si elle ne l'est pas, le conseil d'administration leur accorde une généreuse indemnité de départ.»

Au passage, Yvon Charest a estimé que la divulgation obligatoire de la rémunération des hauts dirigeants de sociétés cotées en bourse et la mise en place de règles de gouvernance plus sévères n'avaient «pas empêché l'escalade» des émoluments. «Peut-être même l'ont-elles amplifiée», a-t-il lâché.

Selon M. Charest, il faut également examiner l'«équité interne», c'est-à-dire le rapport entre la rémunération des dirigeants et celle des autres employés.

«En ne comparant que les salaires des dirigeants entre eux, on a créé des écarts parfois difficiles à justifier entre les salaires des dirigeants et ceux de leurs employés», a-t-il affirmé.

Le resserrement de la rémunération des dirigeants d'institutions financières fait partie des objectifs que s'est fixés le G20 lors du sommet de Londres, la semaine dernière. Il reste à voir comment cette volonté sera mise en oeuvre dans chaque pays, notamment au Canada.

En 2008, la rémunération totale d'Yvon Charest s'est élevée à 1,9 million $, ce qui comprend des options d'achat d'actions et la valeur de sa rente de retraite. Il n'a pas eu droit à une prime de rendement. En 2007, sa rémunération avait totalisé 2,1 millions $, incluant une prime de 685 613 $.

«Crise de valeurs»

La crise financière qui ébranle le monde depuis la fin 2007 en est une de «valeurs» et d'«excès», a déploré le PDG de l'institution financière de Québec. «C'est, si je peux dire, la crise des baby-boomers», a-t-il même ajouté.

«Je crois qu'on est obligés de se demander ce qu'il y avait de vicié dans notre système pour mener à une crise qui crée autant de misère autour de nous», a relevé M. Charest, notant que la mondialisation avait décuplé l'impact des problèmes actuels.

Malgré tout, Yvon Charest s'est dit optimiste de voir la crise se résorber «assez rapidement», puisque les gouvernements ont réagi «massivement» et avec célérité.

Pour y arriver, le dirigeant prône plus de transparence dans le secteur financier. Par exemple, il faudrait publier les résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec chaque trimestre, a-t-il confié au canal Argent.

M. Charest entrevoit néanmoins «une économie languissante à moyen terme», puisque les mesures de relance finiront par mener à une hausse de l'inflation et des taux d'intérêt, ce qui ralentira la consommation.

Le PDG a par ailleurs profité de son allocution pour dénoncer l'application prochaine des normes comptables internationales au secteur canadien de l'assurance. D'après ses calculs, ce changement fera en sorte que les résultats trimestriels de l'Industrielle Alliance oscilleront entre une perte de 50 millions $ et un bénéfice de 150 millions $, alors qu'ils sont actuellement stables à environ 70 millions $.

«Le passage (aux nouvelles normes) fera gonfler (la taille des) états financiers au point de les rendre indigestes», a-t-il prévenu.

L'action de l'Industrielle Alliance a clôturé lundi à 21,51 $, en hausse de quatre cents, à la Bourse de Toronto.