Yvan Allaire, ex-membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a répliqué du tac au tac, jeudi, à la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui lui reprochait la veille d'être «amer» pour avoir critiqué le mode de sélection qui a conduit à la nomination de Michael Sabia à la tête de l'institution.

«Je ne suis pas amer, j'ai simplement soulevé une question qui me semble pertinente», a déclaré M. Allaire en marge d'un discours prononcé à la tribune du Cercle de la finance internationale.

Plus tôt cette semaine, M. Allaire, qui préside l'Institut sur la gouvernance en plus d'enseigner à l'UQAM et à HEC-Montréal, a affirmé que la nomination rapide de M. Sabia à la tête de la Caisse n'avait pas respecté l'esprit de la loi.

À l'Assemblée nationale, mercredi, Mme Jérôme-Forget a lancé que M. Allaire avait tenu de tels propos parce qu'il était «amer» que le gouvernement n'ait pas renouvelé son mandat au conseil de la Caisse.

L'expert en gouvernance n'est pas le seul à avoir exprimé des réserves sur le processus de nomination de Michael Sabia. Deux autres ex-membres du conseil de la Caisse, dont le mandat n'a pas été renouvelé non plus par Québec, ont fait de même au cours des derniers jours: Alban D'Amours, ancien président du Mouvement Desjardins, et Claude Garcia, ancien président de l'assureur Standard Life.

Fonds de couverture

Devant les financiers, jeudi midi, Yvan Allaire a pressé la Caisse de dépôt et les régimes de retraite de revoir leurs politiques en matière d'«investissements alternatifs», plus particulièrement les fonds de couverture (hedge funds) et les fonds de placements privés, dont les agissements sont le plus souvent tenus secrets.

«Sans les caisses de retraite, les «hedge funds» seraient des phénomènes marginaux», a soutenu M. Allaire, en donnant l'exemple du fonds Blackstone, financé à hauteur de 61 pour cent par des régimes de retraite et des fondations.

Quand on lui a demandé s'il avait lui-même soulevé cette question alors qu'il siégeait au conseil de la Caisse, il a toutefois dû admettre que non. «L'occasion ne s'est pas présentée», a-t-il dit.

Plusieurs personnalités de la finance montréalaise ont assisté au discours, parmi lesquels Richard Guay, ancien président de la Caisse de dépôt, l'investisseur milliardaire Stephen Jarislowsky, Claude Garcia et Michel Audet, ancien ministre québécois des Finances.

Au sujet des fonds de couverture, M. Jarislowsky a abondé dans le sens de M. Allaire. Pour lui, le seul but de ces outils est l'«appât du gain».

M. Allaire a également prôné une refonte des politiques de rémunération des dirigeants, des administrateurs et, dans le cas des institutions financières, des opérateurs de marché.

«Il faut faire en sorte que les salaires n'incitent pas les gens à des comportements qui nuiront un jour à l'entreprise», a-t-il souligné, en refusant toutefois de commenter le salaire annuel de 195 000 $ accordé au nouveau président de la Caisse, Robert Tessier. C'est 70 000 $ de plus que ce que recevait son prédécesseur, Pierre Brunet.

Yvan Allaire a en outre suggéré que les autorités réglementaires soient systématiquement tenues d'homologuer les nouveaux produits financiers dérivés, à l'origine d'une bonne partie de la crise financière des derniers mois. Il a fait un parallèle avec les nouveaux modèles d'avions, qui doivent suivre un long processus d'approbation avant d'être mis en service.

La crise actuelle a découlé d'une «surconfiance» des marchés envers certains produits financiers ésotériques, cotés AAA par des agences de notation de crédit alors que leur fiabilité n'était fondée que sur des modèles mathématiques abstraits, a rappelé M. Allaire.

«Vous changiez une hypothèse dans tout ça et tout changeait, a-t-il relevé. (...) Le but, c'était d'obtenir un rendement supérieur à ce que normalement le même risque vous aurait donné.»