Les analystes s'attendaient à des créances qui tournent au vinaigre, des radiations d'actifs, des profits en chute libre. Finalement, les banques canadiennes ont réussi à se tenir debout, au dernier trimestre, alors que le séisme financier a mis à genoux les plus grandes banques du monde.

«Les banques canadiennes continuent de réaliser des profits imposants. Il n'y a pas vraiment de détérioration», commente Marc L'Écuyer, président de Gestion de patrimoine Cote 100.

Depuis deux semaines, les six grandes banques canadiennes ont dévoilé leurs résultats pour la période de trois mois prenant fin le 31 janvier 2009. La Banque Scotia [[|ticker sym='T.BNS'|]] et de la Banque de Montréal [[|ticker sym='T.BMO'|]] ont fermé le bal, hier (voir autres textes plus bas).

Toutes ont surpassé les prévisions des analystes. Dans l'ensemble, «les profits d'exploitation sont à la baisse, mais moins que ce qui était prévu. Ça a été une surprise positive», indique Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser.

La Banque Nationale [[|ticker sym='T.NA'|]] et la Banque Royale [[|ticker sym='T.RY'|]] sont même parvenues à accroître leurs bénéfices, si on fait abstraction des charges spéciales.

Rappelons que la Banque Nationale a dû inscrire une nouvelle radiation de 184 millions de dollars, pour tenir compte de la détérioration de la valeur de son papier commercial adossé à des actifs (PCAA), intoxiqué par les hypothèques à risque aux États-Unis.

D'ailleurs, le Mouvement Desjardins a aussi été obligé de déprécier davantage la valeur de son PCAA, rayant d'un coup sec 591 millions de dollars. La coopérative a annoncé que les ristournes versées à ses membres seront réduites des deux tiers.

La prudence qui paie

Hormis le PCAA, les banques canadiennes profitent aujourd'hui de la prudence dont elles ont fait preuve ces dernières années.

Les défauts de paiement n'ont pas été aussi importants qu'on le redoutait, du côté commercial. Ainsi, les banques canadiennes n'ont pas eu à hausser autant que prévu leurs réserves pour pertes sur prêts douteux.

«Nos banques canadiennes avaient moins de prêts à des hedge funds (fonds spéculatifs) que les banques américaines ou européennes», explique M. Durand.

L'augmentation des défauts de paiement, au sein de la clientèle de détail, a aussi été moins forte, car les consommateurs canadiens sont en meilleure santé financière que leurs voisins.

De plus, le Canada n'a pas connu la même bulle immobilière, en partie grâce aux pratiques de prêts des banques plus prudentes. Résultat: le ressac du marché immobilier canadien est maintenant beaucoup moins prononcé qu'aux États-Unis.

Et cela se reflète dans les résultats des banques, à cause des nouvelles règles comptables. Désormais, les banques doivent inscrire la valeur marchande (mark to market) de ces actifs dans leurs livres. Quand la valeur baisse, cela entraîne des radiations, même si les actifs n'ont pas réellement été vendus à perte.

«Si vous n'êtes pas obligé de déprécier autant la valeur des actifs immobiliers, c'est évident que ça aide les banques», dit M. Durand.

Autre bon point pour les banques: malgré la chute des Bourses, «les marchés des capitaux restent assez forts. Il n'y a pas de doute que les nouvelles émissions, et les fusions et acquisitions, sont faibles. Mais du côté transactionnel, les volumes sont impressionnants», dit M. L'Écuyer. En fait, l'extrême volatilité des marchés a incité les investisseurs à transiger davantage.

Solides, mais ébranlées

Avec les résultats satisfaisants du premier trimestre, les actionnaires poussent un soupir de soulagement.

Plusieurs craignaient qu'une hausse des pertes sur prêts nuise au ratio de capital des banques. Celles-ci auraient alors pu être forcées de réduire leur dividende (ex: CIBC, Banque de Montréal), ou encore d'émettre des capitaux, à vil prix.

Alors que leur titre était au plancher, ces derniers mois, les banques canadiennes ont dû émettre pour plus de 10 milliards de dollars d'actions ordinaires et privilégiées, diluant du coup tous leurs actionnaires.

Ces dangers sont esquivés... pour l'instant. Les banques canadiennes sont solides. «Elles sont mieux capitalisées que l'année dernière», dit M. L'Écuyer.

Leur ratio de capital, qui mesure le capital dont les banques disposent en proportion des prêts qu'elles ont accordés, s'établit à 8,8% (Tier 1). Pour comparer, certaines banques américaines sont en dessous de 4%.

«Mais même si le système financier tient la route de façon remarquable, par rapport à celui de la plupart des pays développés, il n'en demeure pas moins qu'une reprise boursière des titres des banques nécessite au moins des signes de fonctionnement du système financier mondial et d'une reprise économique», considère Robert Sedran, analyste du secteur financier pour la Financière Banque Nationale.

Or, depuis deux semaines, le système tremble plus que jamais, avec la quasi-nationalisation de Citigroup, la plus grande banque américaine, et les pertes monstrueuses d'AIG, numéro 1 de l'assurance.