La Banque Stanford aurait ouvert un bureau à Montréal après que le président de Bombardier Aéronautique, Pierre Beaudoin, eut vanté les qualités de la ville à Allan Stanford en personne, lors d'une transaction d'affaires.

C'est ce qu'affirme Alain Lapointe, le premier vice-président de la Banque responsable du bureau de Montréal, que La Presse Affaires a rencontré hier. L'entrevue a eu lieu à la demande de M. Stanford dans un hôtel de Montréal. Le financier de 59 ans cherchait à mettre certaines choses au clair. Il dit parler en son nom.

De passage à Montréal en 2005 pour l'ouverture officielle du bureau, Allan Stanford aurait déclaré aux quelque 150 invités du monde des affaires que la présence à Montréal de la Banque s'expliquait par le «rôle d'ambassadeur» de Pierre Beaudoin. À l'époque, le président de Bombardier Aéronautique avait vendu des avions à l'une des entreprises de M. Stanford, un transporteur aérien des Caraïbes.

Alain Lapointe a été le premier employé à Montréal. Il dit être «estomaqué» par les allégations de fraude la Securities & Exchange Commission (SEC) des États-Unis. La SEC accuse Allan Stanford et deux dirigeants de «fraude massive». L'entreprise aurait vendu quelque 8 milliards US de certificats de dépôt à des taux d'intérêt élevés.

«Je suis choqué, insulté. Jamais je n'aurais pensé à une telle fraude, sinon je ne serais pas là», dit M. Lapointe, qui dit n'avoir aucune idée de ce qui a pu arriver.

Lundi, le séquestre Vantis plc, nommé pour gérer la Stanford International Bank, d'Antigua, est descendu à Montréal pour y fermer le bureau. Les cinq employés y ont été congédiés.

L'ouverture du bureau de Montréal, le seul au Canada, a été coordonné par l'avocat Terry Didus, associé chez Heenan Blaikie. C'est M. Didus qui a approché Alain Lapointe pour gérer le bureau de Montréal, avec qui il avait travaillé au Montréal Trust, dans les années 1990. Terry Didus n'a pas rappelé La Presse.

Selon M. Lapointe, les employés de Montréal ne faisaient que la promotion des produits du Groupe Stanford et la liaison avec la société-mère. Aucune transaction bancaire n'y a été faite.

Avant de donner son approbation, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) aurait fait une vérification diligente, notamment l'attestation aux normes anti-blanchiment et anti-terroriste. Des représentants du BSIF auraient même passé une semaine à Antigua.

Alain Lapointe refuse de dire ou d'estimer combien de Canadiens y ont investi et quelle somme y a été mise, des questions que lui ont posé le BSIF au cours de la dernière semaine.

Selon M. Lapointe, le BSIF a jugé les activités de Stanford à Montréal conforme aux normes de la licence. Le gestionnaire a également reçu la visite de deux représentants de l'AMF, qui aurait conclu qu'ils n'avaient pas juridiction.

«On participait à des activités pour gagner de la visibilité, comme des tournois de golf, des déjeuners», dit-il. De la vente? «Jamais».

L'an dernier, le bureau de Montréal a notamment organisé trois déjeuners causerie avec Joane Thornton comme conférencière, une des éminentes analystes du groupe de recherche financière Stanford Washington Research Group.

Parmi les cinq employés du bureau de Montréal, deux avaient un rôle de développement. Embauchés en 2006 et 2007, ils étaient exclusivement payés à commission, qui variait entre 0,5% et 1% du montant de la transaction, dit M. Lapointe, et non 3% tel que rapporté la semaine dernière.

La documentation pour l'achat d'un certificat de dépôt était remplie au bureau de Montréal puis envoyé là-bas, à Antigua. Une fois l'ouverture d'un compte confirmé, l'argent était transféré électroniquement par l'entremise de la Banque TD pour l'Amérique et HSBC pour l'Europe.

Les clients du Québec ont essentiellement achetés des certificats de dépôt. D'autres se sont vu référés la succursale de Zurich, en Suisse, pour la gestion de patrimoine. Pour gérer des portefeuilles, le Groupe Stanford acceptait un avoir minimum d'un million de dollars, parfois cinq ou 10 millions, dit M. Lapointe.

Concernant les taux d'intérêt offerts sur les dépôts, Alain Lapointe soutient qu'ils sont loin d'être au-dessus de 10%, tel que rapporté par les médias. Ce matin, ING offre un taux de 4% pour ses placements de cinq ans; chez Stanford, c'est 6,34%, dit-il. Selon la SEC, ce sont plutôt les rendements obtenus avec ces fonds qui excèdent les 10% depuis 15 ans.

Selon le porte-parole de Bombardier, John Paul Macdonald, Pierre Beaudoin a rencontré Allan Stanford une seule fois, au moment de la livraison d'un avion d'affaires, à Montréal, il y a quelques années. Allan Stanford lui aurait alors demandé si Montréal était un bon endroit pour faire des affaires, et Pierre Beaudoin lui aurait répondu par l'affirmative, dit M. Macdonald. «M. Beaudoin fait la promotion de Montréal auprès de tous ses clients», dit-il.

Quelques mois plus tard, Pierre Beaudoin a accepté de rencontrer les représentants du bureau de Stanford à Montréal, «par courtoisie, étant donné que M. Stanford était un client», mais il n'a pas donné suite ni investi dans la banque.