La vague de constructions d'hôtels qui a déferlé sur Montréal pendant des années vient de heurter tout un mur: celui de la crise financière. Place maintenant aux rachats d'hôtels au rabais.

Tant à Montréal qu'ailleurs au Canada, l'industrie voit ainsi se multiplier les reports de projets hôteliers, affirme à La Presse Affaires Gilles Larivière, président de Horwath Horizon Consultants, de Montréal. «Quand les travaux ne sont pas amorcés, le projet est souvent reporté, sinon annulé», dit le patron de la société canadienne spécialisée en hôtellerie et tourisme.

«Le chantier de l'hôtel Marriott de l'aéroport Trudeau et celui du Westin, près de l'ex-immeuble de The Gazette, en face du Palais des congrès, doivent être achevés d'ici au mois d'avril mais, pour les autres projets, il faudra attendre», renchérit William Brown, vice-président principal de l'Association des hôtels du Grand Montréal.

Rien ne bouge

Bill Brown note qu'il n'y a toujours rien qui bouge sur le boulevard René-Lévesque entre les rues Guy et Mackay, où doivent un jour lever quatre tours qui abriteraient trois hôtels et des appartements, pour des investissements de 400 millions.

Report aussi du Waldorf Astoria, à l'angle des rues Sherbrooke et Guy, et de l'hôtel projeté à la place du défunt restaurant Ben's, boulevard De Maisonneuve, ajoute Bill Brown.

«Il y a souvent du retard dans le financement, mais les promoteurs attendent aussi de voir un peu plus clair. C'est normal dans la crise actuelle. Il n'y a pas d'urgence majeure, avec le marché en baisse», explique Gilles Larivière.

Dans le cas du Marriott de la rue Cathcart, à l'ombre de la Place Ville-Marie, des travaux sont commencés, mais l'hôtel n'ouvrira pas avant 2010, semble-t-il.

La réouverture du Ritz-Carlton ne viendra aussi qu'en 2010. «Avec les mises à pied et les dépenses moindres, il y a un peu moins de pression», constate Bill Brown. Le taux d'occupation des hôtels du Grand Montréal a encore reculé sur un an de 63,9% à 61,6% en novembre 2008, précise Tourisme Montréal. Bill Brown ne fait pas de prévisions pour 2009, mais «ce ne sera pas une année record ni facile», reconnaît-il.

«La performance de l'hôtellerie est moins bonne. Les chantiers en cours vont être achevés, mais les projets vont être décalés, estime Gilles Larivière. Ce n'est pas toujours faute de mise de fonds. Plusieurs pensent qu'il vaut mieux attendre quelques mois ou un an et faire entre-temps des acquisitions d'hôtels existants.»

«Ce n'est pas tant l'hôtellerie qui a des problèmes que le banquier de l'hôtel, ajoute le président de Horwath. C'est alors préférable de garder ses capitaux pour racheter au rabais des hôtels dont le banquier a rappelé le prêt. En outre, les projets d'hôtels comprennent souvent des appartements qui doivent être vendus à prix élevés» dans ce marché en mutation.

Des rachats

«Non, on entre dans un cycle de rachats d'hôtels, ce sont des occasions d'affaires, enchaîne Gilles Larivière. Ailleurs au Canada, la plupart des projets sont reportés aussi. Même si le financement a été autorisé, le promoteur demande une confirmation au banquier» avant de lancer ses travaux.

«Le taux d'occupation des chambres d'hôtel va baisser, tant à Montréal qu'ailleurs au Canada. Tous sont donc un peu sur le qui-vive», note Gilles Larivière.

«Les gens ne laisseront tomber leur semaine de vacances dans le Sud qu'en dernier ressort», assure le président de Horwath, mais ils pourront réduire un peu leurs escapades de fins de semaine. Les centres de villégiature devront surveiller leurs prix.

«Pas de panique toutefois au Québec, moins frappé. Par contre, les touristes américains ne savent pas encore que nos tarifs sont tombés de 20%, avec la baisse du huard. On pourra en convaincre quelques-uns de plus de nous visiter», conclut Gilles Larivière.