Le réseau social fondé par Mark Zuckerberg était le seul géant du GAFA - qui comprend en outre Google, Apple et Amazon - à ne pas figurer au registre mis sur pied par Revenu Québec. Depuis le 1er janvier dernier, la loi impose aux entreprises étrangères de facturer la TVQ (dont le taux est de 9,975 %) pour les services numériques ou les biens « incorporels » vendus aux Québécois.

Selon la dernière mise à jour, datant du 25 février dernier, le « fichier de la TVQ » comprenait 91 des 130 entreprises étrangères identifiées par Québec.

Lors d'un premier bilan de ce registre début janvier, alors que 76 entreprises s'étaient enregistrées, on avait appris que Facebook avait demandé un délai supplémentaire en raison de « contraintes technologiques ».

« Nous nous sommes efforcés de compléter les modifications nécessaires au système et aux processus d'affaires afin de nous conformer à la nouvelle réglementation », a indiqué hier Facebook dans un courriel envoyé à La Presse.

Peu payante

L'entreprise américaine rappelle avoir annoncé en décembre 2017 que ses services de publicité seraient dorénavant « localisés », ce qui facilite la perception des taxes de vente.

« Dans les pays où Facebook a une équipe de vente, dont au Canada, les revenus publicitaires supportés par nos équipes locales ne seront plus enregistrés par notre siège international à Dublin, mais par notre société locale dans ce pays. »

- Extrait d'un courriel transmis par Facebook

La TVQ sera essentiellement ajoutée à la facture des clients québécois qui achètent de la publicité sur Facebook, qui est de loin la principale source de revenus de l'entreprise. Le réseau social avait déjà promis, en août 2018, qu'il facturerait également la TPS au fédéral « d'ici le milieu de l'année 2019 ». 

Aucune estimation des sommes que rapporteraient ces deux taxes n'a été dévoilée.

Dans le cas précis de Facebook, les sommes risquent d'être d'autant plus minimes que les entreprises qui paieront la TVQ et la TPS à l'achat de publicité pourront se la faire rembourser par les gouvernements, ce qu'on appelle un « crédit de taxe sur les intrants ».

Bon accueil des entreprises

Globalement, selon une analyse du ministère des Finances rendue publique l'an dernier, Québec s'attend à obtenir 155 millions d'ici 2023 en imposant la TVQ sur les services numériques vendus par des entreprises étrangères. Il ne s'agit que d'une portion du montant des taxes qui ne sont pas perçues, que Québec évaluait en 2017 à 68,4 millions par année.

Malgré tout, le fait qu'on ait pu convaincre 70 % des entreprises identifiées en moins d'un an a été qualifié de « succès » hier à Revenu Québec.

« Nous avons fait en quelques mois ce que d'autres pays ont mis des années à accomplir. On est satisfaits de la réponse des entreprises. »

- Stéphane Dion, directeur des relations publiques à Revenu Québec

Bien que la perception de la TVQ et l'inscription au registre soient théoriquement obligatoires en vertu de la loi adoptée en juin 2018, Québec a choisi de faire preuve de diplomatie auprès des entreprises étrangères visées. Aucune, a affirmé M. Dion, n'a formellement refusé de se plier aux exigences de la loi. « On poursuit nos démarches d'accompagnement. La réponse est fort positive jusqu'à présent. »

Cette mesure, a-t-il insisté, a été implantée « par souci d'équité » envers les entreprises québécoises qui doivent, elles, augmenter leurs prix en payant la TVQ.

TVQ et biens tangibles

Le registre mis en place début janvier ne concerne que les services numériques et les « biens meubles incorporels », comme les films, la musique, les livres électroniques, les logiciels téléchargés et les services téléphoniques.

Considérée comme « beaucoup plus complexe » par l'ancien ministre des Finances Carlos Leitão, la perception de la TVQ sur les ventes de produits de consommation tangibles, comme les vêtements et les appareils électroniques, fait l'objet d'un projet pilote de 12 mois entamé l'automne dernier. Il implique Revenu Québec, l'Agence des services frontaliers du Canada et Postes Canada au centre de tri de Montréal.

Les sommes que pourrait recevoir Québec grâce à la perception de la TVQ sur les ventes de ce qu'on appelle les « biens meubles corporels » par des entreprises étrangères sont beaucoup plus importantes que pour les services numériques. Selon un document présenté à la Commission des finances publiques en février 2018, on estime à près de 158 millions par année la TVQ qui n'est pas perçue pour ces achats. Un des problèmes soulevés par ce rapport est le fait que très peu de colis sont interceptés par l'Agence des services frontaliers du Canada, surtout quand le bien est livré par Postes Canada.

Selon une expérience d'envois effectuée par Revenu Québec en 2014, la TVQ n'a été perçue qu'une fois sur quatre lorsque le colis était livré par Postes Canada. Dans le cas des transporteurs privés comme UPS ou FedEx, la TVQ était facturée dans 100 % des cas.