La biscuiterie Dare de Saint-Lambert a beau annoncer sa fermeture prochaine, les parcs industriels de la région de Montréal affichent pratiquement complet. La construction ne parvient pas à suivre la demande, et des hausses de loyer paraissent inévitables, selon la plus récente analyse du secteur par l'agence immobilière CBRE.

Les parcs industriels se remplissent, constate en effet Gilbert LeBlanc, directeur de Mirabel Économique. « Je n'ai à peu près plus de terrains à vendre. J'ai encore des locaux de disponibles, mais moins que j'en avais », dit le commissaire industriel qui compte 32 ans d'expérience. Mirabel va prochainement accueillir le fabricant québécois Meubles Foliot, qui se fait construire une usine de production de panneaux de mélamine de 170 000 pieds carrés sur les terrains de l'aéroport.

Le taux de disponibilité concerne les locaux vacants et les locaux dont on sait qu'ils deviendront vacants au cours des 12 prochains mois. À l'échelle régionale, le taux de disponibilité est passé de 6,0 % en 2015 à 3,6 % en 2018.

« On commence à se rapprocher de la dynamique de marché que l'on connaît à Toronto. Dans les circonstances actuelles, quand un locataire négocie un bail pour son renouvellement avec son propriétaire, on voit des augmentations de loyer qui peuvent atteindre jusqu'à 20 % », soutient Avi Krispine, directeur général de CBRE Montréal, dans un entretien téléphonique.

Les termes de location s'allongent.

« Les propriétaires ne souhaitent plus faire signer un locataire pour seulement un an ou deux. Ils demandent jusqu'à cinq ans de loyer. »

- Avi Krispine

La superficie des locaux industriels dans la région montréalaise actuellement sous bail a augmenté de 9 millions de pieds carrés en 2018. Inversement, les locaux disponibles sont devenus moins nombreux, passant de 17,5 millions de pieds carrés au quatrième trimestre 2017 à 9,9 millions de pieds carrés à la fin de 2018.

« Nous voyons beaucoup d'action dans nos deux parcs à l'aéroport de Saint-Hubert et du côté de Saint-Bruno, témoigne Stéphane Fallecker, directeur de l'exportation et de l'attraction des investissements chez Développement économique Longueuil (DEL). Molson construit justement sa nouvelle brasserie à Saint-Hubert.

Malgré le déséquilibre entre l'offre et la demande, Avi Krispine, de CBRE, ne prévoit pas de boom de constructions dites spéculatives, soit la construction de bâtiments avant d'avoir trouvé des locataires pour les remplir. « L'écart entre le loyer actuel et le loyer économique qui justifierait une nouvelle construction est encore trop important, de 3 à 4 $ par pied carré entre le neuf et l'existant », dit M. Krispine.

Les produits à vendre se font rares. Actuellement, il y a moins de 1 million de pieds carrés sur le marché.

C'est peu puisque l'inventaire d'immeubles industriels est de 303 millions de pieds carrés dans la région de Montréal. Pour donner une idée, les installations de Jean Coutu à Varennes couvrent un peu moins de 1 million de pieds carrés.

D'où vient la demande ?

Comment se fait-il que les parcs industriels soient remplis, alors qu'on ne cesse de parler de la désindustrialisation de Montréal ?

« Le taux de chômage, à un creux historique, et la croissance annuelle prévue de la production de 1,7 % à 1,8 % entre 2019 et 2022 raffermiront la demande pour les secteurs industriel et de l'entreposage au cours des années à venir », écrit CBRE dans son analyse de marché.

Ce sont notamment les détaillants qui prennent la relève. Ils ont besoin de locaux pour leur marchandise, vendus en ligne ou en magasin. Exemple récent : le spécialiste français du plein air Décathlon, qui compte deux magasins et qui ouvrira son troisième au Centre Eaton, vient de louer 300 000 pieds carrés au 5781, rue Notre-Dame Est. Cet immeuble est celui de l'ancienne usine Mabe, où l'on fabriquait des sécheuses de marques Hotpoint et GE jusqu'à sa fermeture en 2014.

Néanmoins, certaines industries en émergence contribuent à la demande, comme les centres de données et l'assemblage de repas à domicile. Goodfood a ajouté 72 000 pieds carrés à ses locaux de la rue Hickmore dans l'arrondissement de Saint-Laurent, ce qui lui permettra de doubler la capacité de sa production en 2019.

Sur la Rive-Sud, l'ouverture de nouvelles usines ne se limite pas à Molson. Le parc industriel de Saint-Bruno-de-Montarville a accueilli les installations d'Isaac Instruments, qui élabore des solutions technologiques pour améliorer la productivité des parcs de camions, et de Maximus, un concepteur de systèmes domotiques pour les fermes. « L'industrie lourde est remplacée par l'industriel léger », dit M. Fallecker.

Du côté de l'arrondissement de Saint-Laurent, le Technoparc Montréal a accueilli 42 nouveaux occupants dans la dernière année, souligne Carl Baillargeon, directeur des communications et du marketing. Il s'agit principalement de centres de recherche et de sièges sociaux, comme le prévoit le zonage. Dernièrement, les centres de données Cologix ont acheté un terrain de 200 000 pieds carrés au 7350, rue Frederick-Banting. L'incubateur biotechnologique Neomed procède à une expansion. Un autre acteur des technologies de l'information est sur le point d'aller de l'avant avec un agrandissement.