Se disant victime de « sabotage », de « concurrence déloyale » et « d'appropriation illégale d'information confidentielle », la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) intente une poursuite d'au moins 4,1 millions de dollars en dommages et intérêts contre les professionnels qui auraient quitté subitement son bureau de Saint-Hyacinthe, à la mi-septembre, et contre la firme concurrente Mallette qui les aurait vite embauchés à son bureau régional dans la même localité.

Dans une poursuite inscrite en Cour supérieure à Montréal, la firme RCGT allègue que six comptables et une gestionnaire menés par une directrice associée de langue date, Chantal Bourgeois, ont « déserté » le bureau régional de Saint-Hyacinthe avec 11 autres employés administratifs au matin du lundi 17 septembre avant de rejoindre rapidement le bureau voisin de Mallette.

RCGT prétend que ces départs groupés et sans préavis résultent d'un « stratagème de concurrence déloyale et de mauvaise foi » mis en branle durant les quelques semaines antérieures à la démission de Mme Bourgeois, en collaboration avec des vis-à-vis à la direction de Mallette à Saint-Hyacinthe.

Selon RCGT, ce « stratagème » comprenait « l'appropriation illégale » dans son système informatisé de gestion d'une grande quantité d'informations confidentielles sur ses activités ainsi que sur sa clientèle de comptabilité et de conseil en gestion dans la région de Saint-Hyacinthe.

RCGT allègue aussi que, dès leur arrivée chez le concurrent Mallette, ces ex-employés auraient utilisé ces informations pour solliciter ses clients, parmi eux le gros transporteur routier Groupe Robert, afin de transférer leur mandat de comptabilité chez leur nouvel employeur.

L'AVIS DE MALLETTE

Quant à la firme Mallette, le président du conseil, Mario Bédard, joint par téléphone à l'aéroport en fin de journée hier, s'est dit surtout « déçu » de la poursuite intentée par RCGT après qu'il eut tenté, dit-il, d'en venir à une entente négociée sur « l'acquisition » des activités de son bureau à Saint-Hyacinthe.

Selon M. Bédard, les allégations de « concurrence déloyale » formulées par RCGT seraient contradictoires aux premières dépositions des ex-employés à son bureau de Saint-Hyacinthe dont ils appréhendaient la fermeture et leur transfert depuis un certain temps.

« PERTE DE CLIENTÈLE »

Dans sa poursuite initiale contre Mallette et ses ex-employés, RCGT leur réclame un dédommagement collectif d'au moins 3,5 millions pour compenser la « perte de clientèle actuelle et potentielle du bureau de Saint-Hyacinthe ».

S'y ajoute une réclamation de 350 000 $ en « dommages-intérêts punitifs » répartie entre les six comptables, la directrice associée démissionnaire et l'administratrice à Saint-Hyacinthe ainsi que la firme Mallette et son principal directeur régional à Montréal et en Montérégie, René Benoit.

RCGT réclame aussi 250 000 $ en dommages pour « atteinte à sa réputation et à son image », ainsi qu'une somme d'au moins 50 000 $ pour ses frais initiaux d'enquête dans cette affaire, mais avant ses frais juridiques ultérieurs.

REQUÊTE D'INJONCTION ACCUEILLIE EN PARTIE

Dans sa requête initiale, RCGT demandait aussi à la Cour supérieure de lui accorder très rapidement une injonction provisoire afin d'empêcher ses ex-employés à Saint-Hyacinthe ainsi que leur nouvel employeur, la firme Mallette, de « faire tout usage que ce soit » des dossiers et des informations d'affaires dont ils se seraient appropriés « illégalement » avec leur départ soudain.

Dans un premier jugement en Cour supérieure, vendredi dernier, la requête d'injonction immédiate de RCGT n'a été accueillie qu'en partie, à l'encontre de son ex-associée et ex-directrice de bureau à Saint-Hyacinthe.

Mme Chantal Bourgeois a été sommée de remettre à RCGT, avant 10 h hier matin et sous déclaration assermentée, toutes les informations et tous les documents sur les employés et les activités d'affaires de la firme qu'elle avait en sa possession.

La prochaine étape en justice de cette poursuite est prévue le 5 novembre en Cour supérieure, à Montréal. Entre-temps, RCGT veut s'adresser à la Cour d'appel pour faire réviser le premier jugement d'un accueil partiel de sa demande d'injonction provisoire qui ciblait ses ex-employés et son concurrent.

Aussi, la direction de RCGT à Montréal indique avoir pris des mesures professionnelles afin de maintenir la continuité des affaires à son bureau de Saint-Hyacinthe.