La SQDC à peine officiellement lancée, les employés de la nouvelle société d'État font l'objet d'une campagne de recrutement syndical intensive menée par trois centrales différentes, qui les courtisent dans les stationnements des commerces.

La tension est si élevée par endroits que des employés se plaignent d'« intimidation », reconnaît la CSN.

« Ça a brassé [hier] à Mascouche, ça n'était pas chic », a admis à La Presse Katia Lelièvre, présidente du Syndicat des employés de bureau de la SAQ (SEMB-SAQ, affilié à la CSN).

« [Les travailleurs] disaient : "On va faire des plaintes", et nous accusent de les intimider. On ne fait que leur parler. » - Katia Lelièvre, présidente du Syndicat des employés de bureau de la SAQ

Hier matin, à l'ouverture de plusieurs des succursales de la SQDC, des recruteurs portant une tuque de la CSN et un drapeau du SEMB-SAQ étaient bien en vue devant les portes et distribuaient des tracts aux employés qui entraient pour leur premier quart avec la clientèle.

Des recruteurs des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) ont aussi été vus à Mirabel. Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a également délégué deux recruteurs par succursale pour distribuer des tracts, mais ils n'étaient pas présents hier matin.

Les trois regroupements syndicaux se battent pour obtenir l'accréditation de la centaine d'employés nouvellement embauchés par les 12 succursales de la SQDC. Ceux-ci ne sont pas syndiqués pour le moment et gagnent 14 $ l'heure, un salaire bien inférieur aux 19 $ gagnés en moyenne par les travailleurs de la Société des alcools du Québec.

LA TENSION MONTE

Alors que la CSN tente depuis des mois de rapatrier ces nouveaux travailleurs sous une seule accréditation, le syndicat des TUAC a commencé à les recruter sur le terrain succursale par succursale, en se postant depuis plusieurs jours dans les stationnements des magasins où les employés étaient formés.

Les TUAC ont pour le moment réussi à récolter un plus grand nombre d'adhésions que la CSN. Mais la tension a monté d'un cran ces derniers jours. Dans certains cas, des travailleurs ont été accueillis dans les stationnements par des groupes d'une vingtaine de personnes qui essayaient tous de les convaincre d'adhérer à leur centrale.

La CSN accuse les TUAC d'avoir une approche trop insistante et « agressive ». Les TUAC répliquent que la CSN harcèle les travailleurs en déléguant de gros groupes de recruteurs qui comptent dans leurs rangs des syndiqués de la SAQ.

« Cette bataille intersyndicale, c'est sûr qu'elle gosse les travailleurs. Quand tu finis ta journée après une grosse journée comme [hier] et que tu te trouves devant 20 ou 25 personnes, dont certains qui ont des sifflets et qui t'achalent pour avoir ta signature, c'est sûr que c'est épuisant », lance Tony Filato, le président des TUAC-Québec. « Nous, on est deux ou trois dans les stationnements, pas plus, alors qu'eux, ils débarquent en grosse gang avec leurs gros manteaux de la CSN. Les gens dans les succursales sont pas mal écoeurés de voir les gens de la CSN. »

La SQDC n'a pas voulu faire de commentaire au sujet de cette guerre d'accréditation. « C'est une prérogative des employés pour l'instant. C'est une question qui relève des normes du travail. On ne peut pas s'en mêler », a affirmé le porte-parole Mathieu Gaudreault.

M. Filato affirme qu'approcher les gens dans les stationnements est pour lui le seul moyen d'entrer en contact avec les travailleurs.

Marc Ranger, directeur québécois du SCFP, assure que ses recruteurs n'ont pas une approche aussi agressive. « Nous, notre mot d'ordre, c'est d'avoir une approche smooth. Il n'est pas question de sauter sur le monde comme ça », a-t-il assuré, disant consacrer l'essentiel de son énergie à recruter les membres grâce au site web de son organisation.