Onze minutes et trente-sept secondes. C'est le temps qu'il a fallu, il y a quelques jours, pour écouler les quelque 10 000 billets de la plus grande conférence mondiale sur l'intelligence artificielle, NIPS, qui se tiendra cet automne à Montréal. La métropole aurait pu attirer plusieurs milliers d'autres visiteurs... mais son Palais des congrès est trop petit.

« On aurait pu facilement aller à 14 000 ou 15 000 billets, note Hubert Bolduc, président-directeur général de Montréal International. C'est dommage qu'on laisse 5000 billets comme ça. »

« Notre palais est trop petit, on ne peut pas aller chercher des associations internationales, déplore lui aussi Yves Lalumière, PDG de Tourisme Montréal. Il y en a au moins 200 qu'on est incapables d'aller chercher. »

L'agrandissement du Palais des congrès est le défi « le plus important » de Montréal à l'heure actuelle en matière de tourisme, selon M. Lalumière. Pour le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, c'est même un enjeu pour l'ensemble de l'économie montréalaise.

« Dans toutes nos grappes hyper performantes, nous ne pouvons pas attirer ici l'événement nord-américain par excellence dans cette grappe-là, dit-il, parce que notre capacité n'est pas au rendez-vous.

« D'un point de vue de stratégie économique, de positionnement de notre excellence, si on avait la capacité d'avoir la grande foire mondiale ou nord-américaine... L'intelligence artificielle s'en vient et on voit tout de suite qu'on se heurte à la limite. »

ABSENT DE LA CAMPAGNE

Le gouvernement du Québec s'est porté acquéreur en 2017 de terrains situés à l'est du Palais des congrès. Une réserve foncière de deux ans avait été prise en 2013, puis renouvelée en 2015. La loi ne permettait pas de prolonger la situation et une décision devait être prise, explique Chrystine Loriaux, directrice du marketing et des communications du Palais.

Mais le projet lui-même n'a pas encore reçu l'aval du gouvernement et aucun des quatre principaux partis ne s'est prononcé à ce sujet dans le cadre de la campagne électorale actuelle.

« C'est sous le radar de la campagne. Ma compréhension est qu'ils ne s'y opposent pas formellement, mais il y a une petite gêne à y aller d'une annonce qui est très montréaliste. »

- Michel Leblanc

Après l'acquisition des terrains, la direction du Palais a commencé à préparer un dossier d'opportunité qu'elle entend soumettre à la Société québécoise des infrastructures d'ici la fin de l'année, explique Mme Loriaux. « Pour le moment, la balle est dans notre camp. »

L'ennui, convient M. Leblanc, c'est que le projet n'est pas rentable en soi.

« Il n'y a pas un palais des congrès au monde qui est rentable », rappelle-t-il.

L'impact économique positif qu'il aurait sur la ville est indéniable, selon lui, mais est plus difficile à « vendre » qu'une rentabilité directe.

« Chaque fois qu'il y a un impact qui est diffus dans l'économie, mais que tu as un coût qui n'est pas diffus du tout, ça prend un recul pour voir l'impact global. »

M. Leblanc, qui a tenté au début des années 2000 d'attirer à Montréal la plus grande foire annuelle de l'industrie pharmaceutique, BIO, avant de constater qu'il était impossible de répondre aux exigences logistiques des organisateurs, croit que de meilleures installations auraient pu altérer le cours de cette industrie à l'échelle locale.

« Les PDG des plus grandes pharmaceutiques de la planète débarquent à BIO. Rappelons-nous comment on a eu des laboratoires qui se sont effrités. Je maintiens que si on avait pu avoir BIO qui vient une fois tous les 10 ans à Montréal, on aurait pu maintenir certains de ces labos, parce que ces gens-là auraient vu ce qu'est Montréal. »