Vacances Sinorama, placée sous tutelle par l'Office de la protection du consommateur (OPC) pour des manquements dans la gestion des dépôts de ses clients, risque de perdre son permis d'agent de voyages.

La présidente de l'OPC a transmis hier un avis à Vacances Sinorama l'informant de son intention de ne pas renouveler son permis d'agent de voyages, qui arrive à échéance le 31 juillet.

L'agence, connue pour ses voyages en Chine à très bas prix, a 10 jours à compter du 24 juillet pour formuler ses commentaires et observations, après quoi une décision sera rendue.

Simultanément, l'OPC a nommé PricewaterhouseCoopers comme administrateur provisoire pour diriger Vacances Sinorama. L'Office a pris cette décision en raison des manquements observés dans la gestion par Sinorama des comptes en fidéicommis où est déposé l'argent de ses clients.

Cette mise sous tutelle a poussé la populaire comédienne Guylaine Tremblay, en vedette dans les campagnes publicitaires de l'agence, à se dissocier de l'entreprise.

« Pour le moment, à la lumière de la décision de l'OPC de nommer un administrateur provisoire à la tête de Vacances Sinorama, je me retire de mon rôle de porte-parole. » - Guylaine Tremblay, par voie de communiqué

L'OPC estime aussi que Sinorama a manqué à ses engagements récents.

« À la mi-juin, les dirigeants de Sinorama ont signé un engagement volontaire dans lequel on ouvrait un nouveau compte en fidéicommis, précise Charles Tanguay, porte-parole de l'OPC. On exigeait de l'agence que toutes les sommes des clients soient versées dans ce nouveau compte et que les dépenses de ce compte soient scrupuleusement vérifiées par l'Office avant d'être autorisées. Ce sont des mesures exceptionnelles qui ont été prises pour veiller à la protection des sommes versées par les clients. Il appert, environ un mois plus tard, que Sinorama n'a pas été en mesure de respecter cet engagement volontaire, ce qui a conduit à la décision d'aujourd'hui. »

En vertu de l'article 22 du règlement sur les agents de voyages, les sommes perçues des clients de l'agent de voyages doivent être entièrement déposées, sans délai, dans le compte en fidéicommis. L'article 23, quant à lui, stipule que l'agence de voyages ne peut retirer les fonds que lorsqu'ils sont requis pour les services à rendre au client ou rendus en son nom.

L'administrateur aura le mandat « de faire en sorte que ceux qui sont actuellement en voyage puissent le terminer sans problème et que ceux dont le départ est imminent puissent faire leur voyage dans les conditions qui étaient prévues ».

MANQUE À GAGNER

En mai dernier, La Presse avait exposé les difficultés financières de la société mère de Vacances Sinorama, Sinorama Corporation, une société enregistrée en Floride et dont le titre se négocie sur le marché hors cote du NASDAQ. Le reportage révélait notamment qu'il manquait 10,9 millions dans les coffres de Sinorama Corporation à la fin de 2017 pour honorer, au cours des mois suivants, les voyages déjà payés par les clients.

L'agence de voyages située sur le boulevard Saint-Laurent, dans le Quartier chinois à Montréal, avait réagi en minimisant la situation et en rassurant les clients, arguant qu'il fallait distinguer les finances de la société mère de celles de la société fille, une société à capital fermé. 

Vacances Sinorama appartient à Sinorama Corporation, elle-même contrôlée par le couple formé de Wenjia Martine Jing et de Hong Simon Qian, de Brossard. L'entreprise fondée en 2005 a connu une forte croissance, moussée notamment par ses campagnes publictaires remarquées. En 2017, le budget de publicité et de promotion s'est d'ailleurs élevé à 8 millions.

L'entreprise est connue pour ses tarifs des plus compétitifs. Par exemple, sur son site internet, en mai dernier, Sinorama offrait son forfait « Trésors de Chine » de 11 jours pour seulement 999 $, taxes comprises.

L'ADMINISTRATRICE DÉJÀ AU TRAVAIL

Les portes des bureaux principaux de l'agence, au 998, boulevard Saint-Laurent, étaient toujours ouvertes aux clients lors du passage de La Presse, hier en milieu d'après-midi. La clientèle pouvait se déplacer pour obtenir des renseignements en lien avec la mise sous tutelle, mais aucune transaction financière n'était autorisée, selon nos informations.

L'administratrice provisoire, Martine Mainville, s'affairait déjà dans les locaux de l'entreprise, au cinquième étage d'un bâtiment commercial du Quartier chinois, mais n'a fourni aucun commentaire à La Presse. Selon des informations recueillies sur place, les propriétaires, Martine Jing et Simon Qian, avaient déjà quitté les lieux.

À un jet de pierre de là, rue Clark, le bureau de Sinorama pour la réservation de voyages en autocar était cependant fermé. « Fermé pour problème technique », était-il écrit sur des feuilles blanches collées aux vitres des portes principales. Des employés se trouvaient à l'intérieur, mais les portes étaient verrouillées. Il a été impossible de vérifier si la fermeture du bureau de la rue Clark est liée à la mise sous tutelle ou à un véritable pépin technique.

Des messages téléphoniques de La Presse à la direction de Sinorama et à son avocat sont restés sans réponse.

- Avec Fanny Lévesque, La Presse