Au lendemain de l'imposition par le président Donald Trump de tarifs douaniers punitifs sur l'acier et l'aluminium canadiens, le premier ministre Philippe Couillard s'explique mal cette persistance de l'administration américaine de vouloir nuire à la fois à sa propre économie et à ses relations avec un allié.

Prenant l'exemple des tarifs imposés sur le bois d'oeuvre, le premier ministre rappelle qu'il avait prédit que cette décision n'aurait pour effet que de faire augmenter les prix des maisons aux États-Unis.

« Nos scieurs de bois n'ont pas perdu une seule job; ils ont exporté à des prix plus élevés. Ce sont les Américains qui ont été pénalisés », a-t-il déclaré en mêlée de presse, vendredi, à la suite d'une rencontre avec les représentants des milieux d'affaires de la Montérégie à Saint-Jean-sur-Richelieu.

« Même chose pour l'acier et l'aluminium. Tout le milieu manufacturier aux États-Unis, incluant le milieu de la défense, va être pénalisé par ça », a-t-il affirmé.

« C'est une mauvaise décision des Américains pour les Américains. »

Malgré tout, il applaudit la décision du gouvernement Trudeau de répliquer rapidement et avec force avec ses propres tarifs sur une sélection de produits importés des États-Unis.

« À un moment donné il faut montrer que, regarde, on est capables nous aussi de jouer dans ce film-là. Je pense que c'était justifié d'avoir cette réponse ferme de la part du gouvernement canadien, mais on ne peut pas faire une surenchère de guerre commerciale, ça ne nous mènera pas à grand-chose », s'est-il désolé.

« Une guerre commerciale, c'est rare que ça se termine bien pour les deux parties », a fait valoir M. Couillard.

Il s'interroge d'ailleurs sur la logique derrière cette approche puisque les États-Unis peuvent difficilement se plaindre d'une compétition déloyale, du moins dans le secteur de l'aluminium : « Il n'y a pas d'industrie de production d'aluminium primaire aux États-Unis, ça prend des années pour bâtir l'industrie qu'on a. De toute façon, il faut qu'ils importent l'aluminium québécois et canadien. »

« En augmentant les prix comme ils le font, c'est eux-mêmes qu'ils vont pénaliser », a-t-il répété à quelques reprises.

« Nos enfants ont combattu ensemble »

Tout en maintenant que la réponse ferme du Canada est tout à fait justifiée, il se dit convaincu qu'il faudra plutôt que les parties s'assoient ensemble et constatent qu'il s'agit d'une voie sans issue : « On est des voisins et des alliés. Ce n'est pas ce genre de relation-là qu'on doit avoir. »

Le premier ministre avoue au passage qu'il peine à comprendre le comportement du président Trump.

« Quand je vois ça, alors qu'on est des amis et des alliés de longue date, alors que nos enfants, incluant récemment, ont combattu ensemble contre le terrorisme, ont risqué leur vie ensemble contre le terrorisme, ça laisse perplexe de voir ça », a-t-il laissé tomber.

Il trouve toutefois un certain réconfort dans le fait que « les États-Unis, ce n'est pas uniquement l'administration Trump : c'est également les États, les gouverneurs, les maires des grandes villes, les entrepreneurs, les milieux économiques qui, eux, tiennent beaucoup à ce que les liens d'amitié et d'affaires et de commerce soient maintenus et même renforcés avec le Canada ».

« Il y a des membres du congrès, il y a des industriels il y a des agriculteurs qui ont besoin que le libre-échange continue avec le Canada, qui protestent contre les politiques du président Trump qui sont des politiques dirigées contre l'intérêt économique des États-Unis », a-t-il renchéri avant d'ajouter qu'il « faut se garder de porter un jugement sur un pays » pour finalement conclure avec cet euphémisme : « On parle d'une administration qui a un style très particulier ».