Près de 18 millions à Rosemère, 50 millions à Brossard: les acheteurs paient cher pour acquérir des golfs en banlieue. Pas par passion du sport, mais pour l'emplacement du terrain.

Une offre de 18 millions acceptée pour le golf de Rosemère

Les parcours de golf sont populaires ce printemps. Ce n'est pas tant que les golfeurs se précipitent sur les tertres de départ, c'est plutôt les promoteurs qui prennent d'assaut les pavillons des clubs de golf dans le but de convaincre leur administration d'accepter leur offre d'achat alléchante.

Dans la couronne nord de Montréal, le conseil d'administration du Club de Golf de Rosemère a accepté la fin de semaine avant Pâques une offre d'achat du promoteur Bâtimo d'une valeur de 18 millions.

« Ça fait plus d'un an et demi que l'on travaille le projet, a confié l'acquéreur, Francis Charron, président de Bâtimo, rencontré lors du Sommet immobilier de Montréal le 28 mars. Étant Rosemérois, c'est un projet qui me tient à coeur royalement. Je n'aurais pas mis la même énergie si le projet avait été ailleurs. Je veux le développer en collaboration avec les acteurs du milieu et faire un legs à la ville. »

Le président du conseil d'administration du club privé, Marc Belliveau, a confirmé au téléphone les informations jeudi.

Bâtimo a pris un « mulligan » sur le terrain puisqu'il s'était essayé une première fois en 2016.

À l'époque, Bâtimo avait offert 12,3 millions pour acquérir la lisière de 650 000 pi2 en façade de la route 117, qui longe le trou numéro 13. Il voulait ériger des bâtiments de six étages, alors que le zonage n'en autorisait que quatre. Mais les citoyens en consultation publique ont exprimé leur opposition à des constructions aussi hautes.

Après son désistement, le promoteur Sylvain Ménard avait déposé une offre d'achat conditionnelle de 27 millions pour la totalité des 6,5 millions de pieds carrés du club, qui a fait beaucoup jaser en raison de son prix élevé. À l'étape de la vérification environnementale, M. Ménard a préféré déclarer forfait. C'était en février dernier. Celui-ci n'a pas rappelé La Presse.

LE DROIT D'ÉGALER L'OFFRE

Cette fois-ci, l'offre d'achat de Bâtimo est inconditionnelle. Toutefois, le prêteur actuel du club privé, Restocam, du Groupe Vachon, de Montréal, n'a pas encore remis sa carte de pointage. Il détient un droit d'égaler l'offre, valide pour six mois.

Le but de la vénérable institution fondée en 1922, dont les finances sont en piteux état, est de vendre le terrain à un prix suffisamment élevé pour lui donner la possibilité de déménager le club privé après avoir acquis un parcours ailleurs dans la couronne nord.

« Le Royal Montréal a déménagé trois fois dans son histoire et chaque fois, il a amélioré son sort. Le club de Rosemère existe depuis 96 ans, on va continuer à opérer, c'est juste qu'on va changer de place. » - Marc Belliveau

Du côté de la Ville de Rosemère, où les terrains disponibles à la construction d'habitations se font rares, on indique que le zonage en place autorise la construction de bâtiments commerciaux ou résidentiels de 4 étages sur 10 % du terrain le long de la route 117. Le reste du golf, dont 30 % se trouve en zone humide, est zoné « parc ». « La volonté de la population est de garder un espace vert, golf ou non », indique dans un entretien le maire Éric Westram, qui n'entend pas modifier le zonage.

Une chose est sûre, il y aura du golf en 2018 à Rosemère, a réitéré M. Belliveau jeudi au téléphone. Ouverture prévue : fin avril ou début mai. Le Club compte 95 actionnaires pour le moment et prévoit entreprendre la saison avec de 400 à 450 membres.

FRÉNÉSIE AUTOUR DES VERTS

Aux prises avec une baisse récurrente du nombre de parties jouées, les terrains de golf subissent une pression financière qui les rend réceptifs aux offres d'achat souvent spontanées déposées par les promoteurs.

Pour ceux-ci, les 18 trous constituent un réservoir de terrains vierges propices au lotissement domiciliaire, ce qui est de plus en plus rare en périmètre urbain. Ils font face néanmoins à certains obstacles.

« Il y a deux principaux défis dans la conversion des golfs à des fins urbaines, dit Oliver Van Neste, directeur du service du développement et de l'aménagement du territoire à la Ville de Vaudreuil-Dorion. La superficie d'un golf permet de bâtir jusqu'à 2000 logements. Or, les services municipaux n'ont souvent pas été prévus pour desservir autant d'unités à cet endroit de la ville. Ensuite l'acceptabilité sociale est rarement au rendez-vous. »

Dans cette ville, le Golf de Summerlea, qui est situé à l'extérieur du périmètre urbain de Vaudreuil-Dorion, demeure l'objet d'une offre malgré les mois qui passent.

L'EX-GOLF DE BROSSARD

Ailleurs, des discussions ont eu lieu entre le promoteur Sylvain Ménard et les proprios du golf de Candiac, mais il n'y a rien eu par écrit, soutient l'une des copropriétaires, Éloïse Hamel. Une portion de l'ancien golf de Brossard, fermé depuis 2015, a été revendue à Broad Group, de Brossard, pour la rondelette somme de 49 millions en début d'année.

Le phénomène de la fermeture des parcours se vit ailleurs au Canada comme aux États-Unis. Chez nos voisins du Sud, d'ailleurs, on a vu des cas où des parcours ont été reconvertis en espaces naturels ou agricoles.

Sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), 69 golfs sont en activité couvrant une superficie d'environ 11 000 terrains de football américain. Parmi eux, 30 sont situés entièrement en périmètre urbain et 10 s'y retrouvent partiellement.

Depuis 2010, 8 clubs, de même qu'une partie du club Le Riviera, à Carignan, ont fermé leurs portes, représentant une superficie de 431 hectares, selon une étude de la CMM, publiée en juin 2017. À l'échelle du Québec, on dénombre 25 fermetures.

LES GOLFS PASSENT DU VERT AU ROUGE

Au Canada, la rentabilité des terrains de golf est en baisse depuis 2000. Leur marge bénéficiaire a même été négative deux années sur cinq depuis 2012. Au Québec, ce n'est pas mieux. La marge bénéficiaire a été dans le rouge en 2015 et 2016, selon les données de Statistique Canada.

Les golfs en 2016

AU QUÉBEC

Revenus d'exploitation : 394,3 millions

Marge bénéficiaire : - 2,5 %

Source : Statistique Canada

AU CANADA

60 millions de rondes jouées en 2017

5,7 millions d'adeptes

12 % d'entre eux jouent 25 parties ou plus par an

2298 parcours au pays

14,3 milliards : impact économique du golf

Source : rapport annuel 2017 Golf Canada