Dans son budget présenté hier, le gouvernement Couillard s'est engagé à investir une portion des nouvelles sommes allouées aux établissements de santé et de services sociaux pour « répondre à la problématique d'organisation du travail des infirmières ».

À la suite des ententes conclues avec les fédérations médicales, le ministère de la Santé a pu dégager 372 millions qui seront alloués aux établissements de santé et de services sociaux dès cette année, a expliqué le ministre des Finances Carlos Leitão.

Cela équivaut à une hausse de 5,3 % du budget des établissements de santé. Il s'agit de l'augmentation la plus importante depuis six ans.

Les sommes exactes qui permettront d'alléger la charge de travail des infirmières n'ont pas été précisées dans le budget, puisqu'elles font actuellement l'objet de négociations, nous a-t-on indiqué au ministère des Finances.

TROP « FLOU », DIT LA FIQ

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) - le syndicat qui représente la grande majorité des infirmières au Québec - a accueilli cette annonce avec prudence, voire une certaine déception.

« Le rehaussement global des investissements en santé après des années d'austérité est une bonne nouvelle, a réagi la présidente de la FIQ, Nancy Bédard. Mais avec la crise qui sévit chez les professionnels en soins depuis des mois, on se serait attendus à des annonces concrètes sur les ratios patients-infirmière, notamment. Là, ce qu'on a, c'est un énoncé flou. C'est décevant. »

Pour l'année 2018-2019, la croissance des dépenses en santé et services sociaux s'établit à 4,6 %. Les dépenses totalisent 38,5 milliards de dollars - une hausse de 5,9 milliards depuis cinq ans.

AMÉLIORATION DES SERVICES HOSPITALIERS SUR LA RIVE-SUD

Une somme de 1,2 milliard servira à l'amélioration des infrastructures en santé, dont le projet de l'hôpital de Vaudreuil-Soulanges, sur la Rive-Sud (annoncé en grande pompe la semaine dernière).

Cinq nouveaux projets sont mis à l'étude - dont deux en Montérégie - dans le cadre du Plan québécois des infrastructures 2018-2028. Il s'agit d'une première étape pour concrétiser les agrandissements et les réaménagements de secteurs de l'Hôpital général du Lakeshore (urgences), de l'hôpital Charles-Le Moyne (bloc opératoire, chirurgie d'un jour et autres secteurs), de l'hôpital Pierre-Boucher (urgences), de l'Hôpital général juif (phase 4 du réaménagement des espaces) et de l'hôpital du Centre-de-la-Mauricie à Shawinigan (urgences).

SOUTIEN À DOMICILE AUX PERSONNES ÂGÉES ACCRU

Dès cette année, les sommes allouées pour les services aux aînés augmentent de 378 millions de dollars, dont 229 millions serviront à accroître le soutien à domicile pour les personnes âgées.

Quelque 96 millions iront bonifier les standards d'hébergement et les soins dans les CHSLD. De plus, 45 millions supplémentaires seront alloués dès cette année - et ce, de façon récurrente - pour améliorer les services aux aînés en établissement.

MESURES SOCIALES ADDITIONNELLES

Dès cette année, 102 millions supplémentaires seront investis dans différentes mesures sociales, notamment pour prévenir les dépendances (35 millions), les fugues chez les jeunes (11 millions) et pour offrir des services socioprofessionnels en déficience intellectuelle, trouble du spectre de l'autisme et déficience physique (15 millions).

Toutes ces sommes investies dans les soins à domicile, en santé mentale, en hébergement et pour les jeunes en difficulté sont autant de « bonnes nouvelles », a réagi pour sa part la présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Carolle Dubé. « On a toutefois des réserves sur la façon dont cet argent sera dépensé, précise Mme Dubé. On aurait aimé qu'on nous indique spécifiquement que cela se concrétisera par l'ajout de ressources professionnelles, comme des travailleurs sociaux, des physiothérapeutes, des ergothérapeutes et des éducateurs. »

Parmi les nombreux nouveaux investissements annoncés hier, quelque 300 millions supplémentaires sont réservés pour assurer à la population de chaque région un niveau d'accès comparable aux services de première ligne et spécialisés.

Le gouvernement Couillard corrige ainsi des inégalités régionales causées par la façon dont les budgets étaient reconduits d'une année à l'autre sans tenir compte suffisamment des booms démographiques de certaines régions. 

Les couronnes nord et sud de Montréal, qui ont connu une forte hausse de population ces dernières années, en bénéficieront.

La marge de manoeuvre du gouvernement provient aussi des économies réalisées grâce à l'entente avec l'industrie pharmaceutique sur le prix des médicaments.

Le ministre des Finances Carlos Leitão a rappelé, hier, que le Plan économique du Québec avait permis à près de 1,1 million de personnes supplémentaires d'avoir accès à un médecin de famille, de mettre sur pied 325 groupes de médecine familiale, d'embaucher 1300 infirmières et préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD en plus d'instaurer 31 supercliniques, ouvertes 7 jours sur 7 et 12 heures par jour, pour réduire l'engorgement aux urgences.

Le ministre Leitão en a profité pour lancer des fleurs à son collègue à la Santé Gaétan Barrette et le féliciter pour le « travail remarquable accompli dans la réorganisation des services et l'amélioration de la qualité des soins offerts à la population ». « Certains ont tendance à ne voir que les difficultés, a poursuivi M. Leitão. Nous avons préféré travailler sur les solutions, afin de progresser et d'améliorer notre système. »

RÉACTIONS DE L'OPPOSITION

De leur côté, les partis de l'opposition ont continué à dénoncer l'entente avec les médecins spécialistes, hier, en réaction au budget.

« Philippe Couillard choisit le portefeuille des médecins plutôt que le portefeuille des familles québécoises », a déploré le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, en avançant que le gouvernement Couillard « donnait 1 milliard de trop » par année aux médecins spécialistes du Québec lorsqu'on compare leur rémunération avec l'Ontario.

Le porte-parole en matière de finances au Parti québécois, Nicolas Marceau, a rappelé l'engagement de son parti de geler la rémunération des médecins s'il est porté au pouvoir. « La question de la rémunération des médecins est toujours aussi lancinante, a dit M. Marceau. En 2019-2020, 23 % de l'argent neuf en santé sera alloué aux médecins. »

« Le gouvernement annonce des dépenses en santé, mais il ne s'attaque pas à l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire la manière dont cet argent est dépensé. Une trop grosse part ira dans les poches de médecins spécialistes », a critiqué pour sa part Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire, qui croit qu'il faut « revoir le mode de rémunération médicale ».

« Le gouvernement fait des efforts, mais ceux-ci ne compenseront pas les compressions qu'il fait subir au réseau », a dit de son côté le président de la CSN, Jacques Létourneau.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le nouveau budget provincial doit notamment « répondre à la problématique d'organisation du travail des infirmières ».