Tout n'est pas joué, mais le groupe américain ICM a pris une avance importante sur son seul concurrent pour l'achat du Groupe Juste pour rire, a appris La Presse de sources sûres. À moins d'un revirement, le groupe passera à des intérêts américains dans les prochains jours.

Du côté de Juste pour rire, on s'interroge sur les risques qu'une controverse éclate au Québec autour de la vente du groupe à des intérêts étrangers. Mais la vente était incontournable, et l'activité économique, les retombées ainsi que les emplois seront maintenus, indiquent d'autres sources. L'entente ne comporte pas de dispositions sur un plancher d'emplois, mais comme ICM ne compte aucun employé au Québec, on s'attend à ce que la poursuite des activités nécessite le même personnel.

Les discussions qui se poursuivent incluent la question du maintien du siège social à Montréal. Pour l'heure, la priorité reste la pérennité de l'entreprise, qui a connu le succès - et bénéficié des subventions - au Québec.

Du côté de Gilbert Rozon, on espère toujours conclure la vente à très court terme, dans les prochains jours.

ICM devance son concurrent, le groupe dirigé par le milliardaire albertain Daryl Katz, dans plusieurs aspects. D'abord, la société spécialisée dans les tournées de spectacles offre le prix le plus intéressant. Les conditions proposées sont aussi meilleures du point de vue du vendeur, Gilbert Rozon. Finalement, l'échéancier du transfert est aussi plus intéressant dans la proposition américaine, résume-t-on.

Pierre Karl Péladeau et Québecor auront 12 jours pour exercer leur droit de premier refus - le délai initial de 30 jours a été ramené à 12 par la cour. Québecor a été déboutée par le tribunal.

Le processus de vente du Groupe Juste pour rire avait débuté en octobre dernier après les allégations d'agression et de harcèlement sexuels contre son fondateur et propriétaire Gilbert Rozon.

Au départ, sept groupes d'acheteurs avaient manifesté leur intérêt pour le Groupe Juste pour rire. Depuis quelques semaines, ils n'étaient plus que deux en piste : ICM Partners et le groupe de Daryl Katz. Dans les deux cas, les acheteurs proposaient des formules passablement complexes pour acheter les activités francophones et anglophones du Groupe Juste pour rire.

ICM Partners est d'abord une agence d'artistes à New York, à Los Angeles et à Londres. La firme organise des concerts de musique de tous genres et des tournées internationales pour des spectacles. Elle connaît le marché de l'humour, ayant travaillé avec les Jerry Seinfeld, Jay Leno, Chris Rock et Jon Stewart. Elle a aussi une division de production télévisée et cinématographique. Déjà, en janvier, ICM était mentionnée par La Presse comme acheteur intéressé.

L'autre prétendant est l'entreprise de Daryl Katz, Katz Group, établie à Edmonton. Katz Group est l'une des sociétés à capital fermé les plus importantes au pays. Son nom n'avait pas été évoqué jusqu'à tout récemment comme acheteur potentiel pour le Groupe Juste pour rire. Daryl M. Katz vaut 3,1 milliards US. Il est déjà propriétaire des Oilers d'Edmonton. Son entreprise compte une division spécialisée dans le divertissement, qui a fait des investissements sur la scène internationale, notamment comme actionnaire de l'entreprise de production de films Silver Pictures.

Québecor

Si les discussions du Groupe Juste pour rire sont très avancées avec ICM Partners, un élément important de la vente pourrait faire revenir Québecor au centre du dossier : le prix de vente. En clair, le Groupe Juste pour rire ne peut pas être vendu à ICM Partners pour un prix inférieur à l'offre présentée par le Groupe Juste pour rire à Québecor en décembre dernier. Le montant de cette offre est confidentiel. Ici, les avis sont partagés, même chez ceux qui gravitent autour des discussions. Certains croient que Québecor ne sera pas prête à égaler l'offre qui sera faite, puisque seule la partie francophone du groupe est susceptible de l'intéresser. Les spectacles du festival constituent un actif important pour des diffuseurs comme Vidéotron et TVA. D'autres supputent que Québecor pourrait très bien acheter tout le groupe, quitte à revendre par la suite les activités hors Québec.

En décembre dernier, le Groupe Juste pour rire a fait une offre initiale à Québecor, en vertu de leur entente de partenariat signée en 2012. Québecor et Juste pour rire ne sont pas parvenus à s'entendre, et Québecor a ensuite poursuivi le Groupe Juste pour rire. Dans un jugement rendu il y a deux semaines, la Cour supérieure a refusé d'accorder l'injonction demandée par Québecor, mais a aussi conclu que le Groupe Juste pour rire ne pouvait pas accepter une offre d'un tiers dont le prix de vente était inférieur à l'offre présentée à Québecor en décembre.