Combien evenko a-t-elle obtenu pour organiser l'ePrix de Montréal ? Pour l'édition 2017, l'entreprise appartenant au Groupe CH devait toucher 2,4 millions de dollars, a appris La Presse. Ce contrat obtenu sans appel d'offres a été conclu avec l'organisme Montréal c'est électrique (MCE) en se basant uniquement sur les tarifs d'autres événements gérés par evenko.

Cette somme de 2,4 millions représente 11,7 % des dépenses d'organisation de la course de Formule électrique, soit un pourcentage légèrement supérieur à celui des grands événements et festivals au Québec, qui est de 10 %.

En vertu de son contrat de promoteur et gestionnaire de l'ePrix avec MCE - l'organisme sans but lucratif responsable de la course de Formule électrique -, evenko devait toucher un montant de base et une commission sur les commandites du secteur privé. En 2017, le montant minimal prévu pour evenko était d'environ 2 millions. En comptant les commissions sur les commandites et les autres dépenses, le montant total était d'environ 2,4 millions pour evenko. Pour l'édition 2018 - qui a été annulée -, le montant de base était de 2,2 millions. En vertu de ce contrat avec MCE, evenko agissait comme promoteur et gestionnaire de l'ePrix, en plus d'être responsable de la vente des billets.

evenko a-t-elle été payée 2,4 millions en 2017 pour ses services ? Pas nécessairement. Car MCE a fait faillite début février et doit 1,075 million à evenko, selon un document publié par le syndic de faillite. evenko est un créancier non garanti. En pratique, la firme appartenant au Groupe CH ne touchera probablement pas ces 1,075 million de dollars puisque MCE a des actifs de 461 500 $ et des créances totalisant 18,2 millions, selon le document du syndic. Il ne s'agit pas de la situation financière finale de MCE.

Citant des clauses de confidentialité dans ses contrats, le Groupe CH n'a pas voulu préciser si evenko avait obtenu les 2,4 millions prévus dans son contrat pour gérer l'ePrix de Montréal 2017. « Nos contrats comportent des clauses de confidentialité. En raison de ces clauses, nous ne pouvons pas répondre à ces questions », dit Donald Beauchamp, vice-président des communications du Groupe CH, qui possède notamment le promoteur evenko, le Club de hockey Canadien de Montréal et le Centre Bell.

CONTRAT ATTRIBUÉ AVEC LES COMPARATIFS D'EVENKO

MCE a attribué sans appel d'offres le contrat de gestion de l'ePrix à evenko. Afin de bénéficier d'un prix juste, MCE a demandé à evenko de voir les tarifs comparatifs d'autres événements gérés par l'entreprise. En clair, MCE a négocié le contrat de gestion en se basant uniquement sur des informations fournies par evenko. L'organisme indique avoir obtenu un prix moins élevé que les autres événements d'evenko qui ont servi de baromètre.

« On avait des comparables avec d'autres types de contrats qui étaient donnés à evenko pour d'autres types d'événements gérés par evenko, soit en pourcentage des revenus ou des dépenses, dit Sylvain Vincent, président du conseil d'administration de MCE, en entrevue à La Presse. C'étaient des comparables qu'on a exigé de voir et qu'on a obtenus. On voulait être en dessous de ces comparables pour des gros d'événements qu'evenko a gérés au fil des années. [...] On a pris des événements similaires, car des événements identiques n'existent pas. »

MOYENNE DE 10 %

Selon nos informations, les festivals et événements au Québec ont généralement des frais de gestion et d'administration représentant 10 % de leurs dépenses. À titre d'exemple, le Festival d'été de Québec, un organisme sans but lucratif qui gère lui-même son festival (il n'accorde pas de contrat de gestion à une entreprise privée), dépense environ 9 % de son budget en frais de gestion et d'administration.

Dans le cas de l'ePrix de Montréal, MCE évalue ses dépenses d'organisation à 20,5 millions en 2017. Selon nos informations, evenko avait droit à 2,4 millions, soit 11,7 % du budget de MCE. En considérant des frais de gestion moyens de 10 % au Québec, cet écart de 1,7 % pour les frais de gestion de l'ePrix (11,7 %) représente environ 350 000 $ pour 2017.

MCE fait toutefois valoir que « ce n'est pas honnête » de comparer un événement à sa première année d'existence comme l'ePrix de Montréal avec des festivals présentés depuis plusieurs décennies.

« Le Festival d'été de Québec est rodé au quart de tour. Même chose pour le Festival de jazz, dit Sylvain Vincent. Il faut s'attendre à ce [qu'un nouvel événement] coûte un peu plus cher. On avait neuf mois pour organiser l'événement. C'est sûr que ce n'est pas le même genre de comparables avec un festival qui a 25 ans d'existence, sinon tu compares des pommes avec des oranges. »

En novembre dernier, Le Journal de Montréal a révélé que le cabinet du maire Denis Coderre et la Formule E avaient choisi evenko comme promoteur. « Ce n'est pas MCE qui a décidé de prendre evenko. Les joueurs qui étaient déjà impliqués, la Formule électrique et le cabinet du maire, avaient déjà choisi evenko », avait indiqué Sylvain Vincent au Journal de Montréal. MCE a ensuite négocié le contrat de gestion avec evenko.

Selon nos sources, evenko n'aurait pas touché de commission sur les commandites du secteur public et parapublic, par exemple sur la commandite de 850 000 $ d'Hydro-Québec, de loin le principal commanditaire de l'ePrix. L'entreprise n'a pas confirmé cette information.

Les controverses de l'ePrix de Montréal

Un projet de l'administration Coderre, la première édition de l'ePrix a eu lieu en juillet dernier. L'événement a donné lieu à plusieurs controverses, notamment sur le choix du circuit au centre-ville. Seulement 15 000 des 45 000 spectateurs (sur deux jours) ont payé leur billet. Le contrat signé par l'administration Coderre avec la Formule E prévoyait trois ans et une autre option de trois ans, mais l'administration Plante a décidé en décembre d'annuler l'événement. MCE a fait un déficit de 13,6 millions avec la première édition de l'ePrix. La Ville de Montréal avait aussi dépensé 16,5 millions pour divers équipements et services afin de présenter la course de Formule électrique.