Impossible pour les patrons de planifier les célébrations du temps des Fêtes en faisant fi du phénomène #MeToo et des dénonciations du harcèlement sexuel et psychologique au travail. Des organisations veulent terminer l'année de façon festive, mais faire désormais preuve d'une vigilance accrue.

Des mesures resserrées

Cava Rose, spécialisée dans l'organisation d'événements, a abordé la période des Fêtes différemment, cette année. «On note un changement, explique l'associée Paule Labelle. Les entreprises sont conscientisées. Dans un party récemment, on voulait des danseuses burlesques. Après les révélations dans les médias, on s'est demandé si on les garderait. J'ai fait modifier les costumes pour m'assurer qu'ils ne seraient ni trop courts ni trop décolletés.»

Certains patrons souhaitent que l'alcool coule à flots moindres lors de leur party de bureau. «Habituellement, on prévoit une demi-bouteille par personne pour les partys en semaine et une bouteille pour ceux de fin de semaine, raconte Paule Labelle. Mais certains clients calculent, cette année, une demi-bouteille même pour les partys de fin de semaine. Et ce n'est pas pour une raison financière, mais pour éviter les dérapages.»

Les suggestions de Cava Rose

• Des gardiens de sécurité. «On recommande fortement d'en engager deux, dont un qui se tient non loin des salles de bains des femmes, explique Paule Labelle. Des gardiens, ce n'est pas significativement plus de dépenses, mais ça fait une différence sur les plans de la confiance et de la responsabilité morale.»

• Un alcootest près de la porte de sortie. Et que quelqu'un qui ne connaît pas les employés le fasse passer.

• Un oeil par le personnel de service pour voir si un employé boit beaucoup.

Un sur deux

On est témoin, mais souvent on ne dit rien... Lors des partys de bureau du temps des Fêtes, environ la moitié des travailleurs affirment avoir été témoins d'inconduites sexuelles, selon un sondage CROP pour l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. «Mais 71 % des travailleurs témoins de tels comportements ne les ont pas signalés, lit-on. Les écarts observés sont légèrement plus présents entre employés sans lien d'autorité que de la part d'une personne [en position] d'autorité envers un employé.» Une personne sur dix soutient que les inconduites à caractère sexuel se produisent fréquemment. Cela dit, lorsqu'elle a connaissance d'un écart de conduite, la direction intervient dans la majorité des cas.

Les obligations des organisations et de leurs salariés

Dans les partys, les obligations sont les mêmes qu'au bureau. «Car on transpose le bureau dans un autre milieu», note Geneviève Beaudin, associée, spécialisée en droit du travail et de l'emploi de la firme Langlois.

L'employeur doit fournir un milieu de travail sain et sécuritaire, exempt de harcèlement psychologique, en vertu de la Loi sur les normes du travail. «C'est la base, dit Geneviève Beaudin. L'employeur le fait notamment par une politique diffusée et connue de tous. Dans le contexte des partys des Fêtes, il est important de republier cette politique.»

Quant à l'employé, il ne doit pas mettre en danger la santé et la sécurité des autres. «Donc pas de harcèlement, insiste Geneviève Beaudin. Il a une obligation de civilité aussi. Pas de langage déplacé ni de gestes douteux.»

Photo tirée d'une vidéo d'Olivier Pontbriand, La Presse

Paule Labelle, associée chez Cava Rose, firme spécialisée dans l'organisation d'événements

Un party? Oui!

N'abolissez pas le party de bureau! «Car les dérapages sont souvent le fait d'une personne ou d'un petit groupe d'employés, soutient Geneviève Beaudin. Habituellement, l'employeur connaît son monde. Il y a cependant un réexamen à faire pour ne pas reproduire ce qui est arrivé les années précédentes.»

Comment éviter les dérapages?

• Empêchez certaines activités. Les échanges de cadeaux érotiques, même sous le couvert de l'humour? Non.

• Limitez la boisson, par des billets modérateurs ou un bar ouvert qu'on ferme à une heure précise, par exemple.

• Mettez en place un alcootest. «Chez Langlois, on a fait venir une entreprise pour l'alcootest, l'an dernier, dit Geneviève Beaudin. Il y avait un kiosque à la sortie de la grande salle. Une personne était présente toute la soirée. Il y avait un aspect ludique à la chose.»

• Assurez la surveillance par des gestionnaires. «Les cadres devraient avoir certains rôles à jouer, conseille Geneviève Beaudin. Et ça ne veut pas dire jouer à la police.»

• Assurez un retour à la maison sécuritaire. Avec des billets de taxi, par exemple.

• Rappelez les comportements attendus et les sanctions en cas d'inconduite avant les festivités. Actuellement, aucune sensibilisation n'est faite au préalable, selon un quart des répondants à un sondage CROP pour l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Lettre automnale

Neuf jours après la médiatisation des inconduites sexuelles d'Éric Salvail, la direction de RNC Média (91,9 FM Sports Montréal, CHOI FM Radio X, POP, Wow) a envoyé une lettre à tous ses employés avec comme objet «Harcèlement». «On a pris les devants avec un message très direct, soit qu'il fallait traiter les collègues avec le plus grand respect, qui rappelait les droits des employés d'être protégés, aidés et défendus en toute confidentialité, explique Mario Cecchini, PDG de RNC. Les jokes de mononcle, out

Au 91,9 FM Sports, on a prévu un souper et non un party, pour la période des Fêtes. «On compte 20 gars et trois filles ici, mentionne Mario Cecchini. Ce n'est pas le genre de party où l'on danse. Quelqu'un a même averti les employés: Ne vous inquiétez pas, on va pouvoir regarder la partie des Canadiens! Même si on ne contrôle pas tout, je m'attends à ce que les employés soient responsables.»

Photo Martin Tremblay, Archives La Presse

Mario Cecchini, PDG de RNC Média (91,9 FM Sports Montréal, CHOI FM Radio X, POP, Wow)