Il n'y a pas que les producteurs qui se préparent à la légalisation de la marijuana au Canada à l'été 2018; pour de nombreux cabinets de service-conseil, il s'agit d'un créneau d'affaires florissant.

Des différents cadres réglementaires, en passant par la conformité, la gestion des risques ainsi que le financement, ces entreprises ont vu le nombre de mandats grimper considérablement depuis qu'Ottawa a affiché ses couleurs.

«Nous commençons pour la première fois à travailler avec des joueurs directement impliqués dans cette industrie, comme des producteurs», explique Rami El-Cheikh, directeur des transactions dans le secteur pharmaceutique chez PwC.

Ce dernier a commencé à se pencher sur le dossier du cannabis à des fins médicales il y a quelques années.

Le portrait a toutefois considérablement changé au cours des derniers mois, alors que de plus en plus d'entreprises émanant de différents secteurs semblent vouloir profiter des occasions d'affaires découlant de l'industrie de la marijuana récréative.

Le chemin est cependant «parsemé d'embûches», souligne PwC dans un rapport récemment rédigé, dans lequel on précise que l'écosystème sera composé de 14 cadres réglementaires distincts étant donné que les provinces et territoires vont encadrer la distribution et la vente.

Si des provinces comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick ont fait part de leurs intentions, au Québec, celles du gouvernement Couillard se font toujours attendre dans ce dossier.

«Plus on s'approche de la légalisation, plus les questions concernent la réglementation, qui risque de changer chaque année, explique M. El-Cheikh. Les joueurs du secteur vont devoir se conformer à ces changements.»

Le rapport de PwC soulève également des enjeux en matière de commercialisation du produit, de publicité, d'éducation des consommateurs ainsi que d'approvisionnement.

Un comité spécial

Afin de pouvoir répondre à un maximum de questions entourant les changements réglementaires, Fasken Martineau a créé, au printemps, un «comité du cannabis» composé de neuf avocats issus de différents secteurs.

«En droit du travail, il y a beaucoup de questions chez nos clients qui sont des employeurs, explique Élaine Léger, associée au sein du cabinet dans ce secteur. Tout ce qui concerne les problèmes de consommation sur les lieux de travail, c'est souvent évoqué.»

Mme Léger affirme que le comité a constaté depuis deux ans une augmentation significative des questions entourant le financement, ainsi que l'obtention de licences de production.

L'avocate rappelle que la majorité des institutions financières n'osent pas encore investir dans ce secteur, ce qui fait en sorte que certains veulent savoir vers qui se tourner pour lever des capitaux.

«Il y a aussi eu des questions sur la possibilité d'obtenir des crédits d'impôt à des fins de recherche», indique Mme Léger.

Si la plupart des joueurs du secteur bancaire ont fermé la porte à la marijuana, une dizaine de producteurs canadiens se sont tournés vers la Bourse afin d'amasser des capitaux.

L'entreprise ontarienne Canopy Growth a même une valeur boursière d'environ 2,3 milliards $, avec une action qui se négocie aux alentours de 13,25 $. De plus, une firme établie à Toronto, Horizon ETFs, propose un fonds négocié en Bourse composé d'un panier d'actions de 16 sociétés présentes dans le secteur.

D'après une étude publiée à la fin de 2016 par le cabinet de services professionnels Deloitte, le marché principal lié à l'achat de la marijuana récréative pourrait osciller dans une fourchette de 4,9 milliards $ à 8,7 milliards $. Ces prévisions n'incluent pas les impacts découlant de l'activité des producteurs, des dépenses de sécurité, du tourisme ainsi que de l'impôt versé par les joueurs de cette industrie.

Pas une science exacte

Étant donné qu'il n'est pas encore légal de consommer du cannabis sur une base récréative au Canada, les cabinets de service-conseil n'ont pas encore toutes les réponses aux nombreuses questions.

«Il y a beaucoup de lecture sur ce qui s'est passé dans les juridictions, comme dans certains États américains, afin d'aller chercher l'expertise», explique Charles Milliard, vice-président, stratégie et rayonnement, santé chez National.

Embauché le mois dernier par le cabinet de relations publiques, l'ex-pharmacien a constaté que les questions demeurent nombreuses à l'approche du 1er juillet 2018, date à laquelle la marijuana devrait être légalisée.

Dans le cadre de sa préparation, Rami El-Cheikh, directeur des transactions dans le secteur pharmaceutique chez PwC, s'est également tourné vers des marchés comme les États-Unis.

«Nous avons analysé les joueurs majeurs de leur industrie pour analyser en détail leurs activités, a expliqué le spécialiste de PwC. Nous nous sommes également penchés sur les produits gravitant autour de la marijuana pour évaluer la demande.»