C'est ironique, mais c'est ainsi : après avoir dénoncé la décision d'Ottawa de ne pas imposer de TPS à Netflix, Québec doit maintenant obtenir l'accord d'Ottawa pour imposer sa TVQ sur les abonnements de Netflix au Québec.

Québec doit obtenir l'aval d'Ottawa en raison d'une entente sur l'harmonisation des taxes de vente entre Québec et Ottawa conclue en 2011, confirme le ministère des Finances du Québec. « Selon l'entente, il faut l'accord du gouvernement fédéral », a indiqué par courriel à La Presse le ministère des Finances du Québec.

Le gouvernement Couillard a indiqué la semaine dernière son intention d'imposer à Netflix l'obligation de percevoir la TVQ sur ses abonnements au Québec.

Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau, qui est responsable du dossier de la taxe de vente, n'a pas voulu indiquer s'il donnerait ou pas son accord à ce que Québec impose la perception de la TVQ à Netflix en vertu de l'entente entre les deux gouvernements.

« C'est à la province de déterminer comment elle souhaite procéder. Difficile pour nous d'évaluer une demande sans en avoir les détails, d'où l'importance de savoir si cela s'inscrirait dans le cadre de l'entente ou non. Si une demande formelle nous était soumise, des discussions avec la province s'ensuivraient », a indiqué par courriel le directeur des communications du ministre Morneau, Daniel Lauzon.

En entrevue il y a deux semaines, la ministre fédérale du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, avait indiqué que le gouvernement du Québec « pouvait » imposer la perception de la TVQ à Netflix.

« Si le gouvernement du Québec veut imposer une TVQ sur Netflix, ils peuvent le faire, ils ont tous les pouvoirs pour le faire. »

- Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, en entrevue à l'émission de Paul Arcand au 98,5 FM

La TVQ est une taxe de vente provinciale, mais en 2011, Québec et Ottawa ont conclu une entente visant à harmoniser la TPS et la TVQ. En vertu de cette entente, Ottawa a versé 2,2 milliards à Québec, mais Québec a consenti à ce que l'assiette fiscale de la TVQ « produise des résultats identiques » à celle de la TPS.

Comme Ottawa n'impose pas à Netflix ni aux autres géants étrangers du web sans présence physique au Canada de percevoir la TPS, Québec doit avoir l'accord d'Ottawa pour le faire de son côté avec la TVQ, reconnaît le ministère des Finances du Québec.

UN AVIS DISSIDENT

La professeure en fiscalité Marwah Rizqy estime de son côté que Québec n'a pas à demander la permission à Ottawa pour imposer la perception de la TVQ à Netflix, même en vertu de leur entente d'harmonisation.

« On ne veut pas élargir l'assiette fiscale, car Netflix est une fourniture taxable, dit Marwah Rizqy, professeure de droit fiscal à l'Université de Sherbrooke. Au contraire, on s'assure de bien percevoir la taxe sur toutes les fournitures taxables. L'entente demande de produire des résultats identiques et dans les deux cas, ce sont des fournitures taxables. Ottawa n'a jamais ajouté Netflix à la liste des fournitures détaxées ou exonérées.

« Ce n'est pas parce qu'Ottawa décide de ne prendre aucune mesure pour protéger l'assiette fiscale que Québec doit rester les bras croisés. Les fournitures de biens intangibles [comme l'abonnement à Netflix] sont taxables partout au pays. » - Marwah Rizqy, professeure de droit fiscal à l'Université de Sherbrooke

Avant de faire sa demande officielle à Ottawa au sujet de la TVQ, le gouvernement du Québec veut voir l'entente liant Ottawa à Netflix en vertu de la Loi sur Investissement Canada (LIC).

Ottawa a indiqué publiquement que la LIC exigeait que l'entente Ottawa-Netflix reste confidentielle, mais Québec préfère toujours attendre d'avoir une réponse officielle à sa demande de voir l'entente avant d'entamer des discussions avec le ministre fédéral des Finances Bill Morneau au sujet de la TVQ.