Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a accueilli favorablement, mercredi, un rapport sur la lutte aux paradis fiscaux, se disant prêt à analyser certaines de ses recommandations.

M. Leitao a commencé par dire aux journalistes qu'il allait lire le rapport de la Commission des finances publiques, avant d'avancer que le Québec pourrait cesser de transiger avec des entreprises qui font de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal abusif.

L'évasion fiscale, contrairement à l'évitement fiscal, a des conséquences sur le plan criminel.

«C'est quelque chose à explorer, on verra bien, on verra bien comment ça pourrait être balisé. C'est quelque chose que je sais que le gouvernement fédéral regarde (aussi), et c'est quelque chose que l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) avait aussi proposé. C'est une piste de solution intéressante», a-t-il dit.

Les députés siégeant à la Commission des finances publiques, qui proviennent des quatre partis représentés à l'Assemblée nationale, ont déposé au total 38 recommandations adoptées unanimement.

Au terme d'un exercice qui a duré deux ans, et qui leur a permis d'examiner les stratégies et mécanismes employés à des fins d'évasion et d'évitement fiscaux, les députés ont conclu que 27 de leurs recommandations pouvaient être mises en place par le gouvernement du Québec, et que 11 autres seraient le fruit de discussions avec Ottawa.

Le phénomène des paradis fiscaux a pris des «proportions inquiétantes» depuis 2008-2009, ont dit les députés lors d'une conférence de presse conjointe, mercredi.

Le problème est «réel et menaçant», ont-ils ajouté, un «cancer de l'économie mondiale», et entraîne des pertes de 800 millions à 2 milliards annuellement pour l'État québécois.

Il s'agit d'une partie non négligeable des 3,5 milliards que le trésor public a perdus en 2012, toutes sources d'évasion et d'évitement fiscaux confondues.

«Ça compte 285 000 habitants, la Barbade, et le PIB est de 6 milliards. Expliquez-moi ce que le 80 milliards d'investissements canadiens à la Barbade fait sinon blanchir de l'argent des paradis fiscaux», a illustré André Spénard, député caquiste de Beauce-Nord et membre de la commission.

La commission recommande, entre autres, que le gouvernement du Québec réalise une étude sur l'impact d'une taxe sur les profits détournés (communément appelée «Google Tax»), qu'il permette l'imposition des transactions en ligne, et qu'il se dote de partenaires «propres», c'est-à-dire qu'il change ses relations d'affaires avec les entreprises qui font de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal abusif.

Dans ce cas, la Caisse de dépôt et placement du Québec est directement interpellée. On lui demande de réduire progressivement ses investissements dans les entreprises qui utilisent des paradis fiscaux.

«Qu'elle intensifie ce travail, qu'elle devienne exemplaire», a dit le député péquiste Nicolas Marceau. «Il y a des entreprises qui ont été condamnées, sanctionnées par les tribunaux dans lesquelles la Caisse a encore des placements, il y a des entreprises pour lesquelles on a des soupçons (...) La Caisse a des informations précises sur un certain nombre de placements.»

Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse de dépôt, a dit à La Presse canadienne que la Caisse allait prendre le temps d'analyser le rapport avant de commenter.

La commission recommande aussi que les entreprises candidates aux subventions gouvernementales qui ont été reconnues coupables d'évitement fiscal abusif soient disqualifiées, et que le gouvernement prive de contrats les cabinets professionnels reconnus coupables d'avoir aidé à l'évasion fiscale ou l'évitement fiscal abusif. Le gouvernement pourrait aussi récompenser les lanceurs d'alerte, selon la commission.

Par ailleurs, la commission recommande qu'Ottawa criminalise l'évitement fiscal abusif.

Les paradis fiscaux sont utilisés par les plus fortunés et les multinationales pour échapper au fisc. Une trentaine de groupes rattachés aux domaines du droit, de la fiscalité et des finances publiques ont été entendus au cours des audiences.

Selon les données avancées par la commission, on estime aujourd'hui que plus de 50 % des capitaux mondiaux passent par les quelque 70 paradis fiscaux répertoriés sur la planète.

Au Canada, les contribuables posséderaient des avoirs totalisant plus de 170 milliards dans ces terres d'asile fiscal. Des estimations font état d'un manque à gagner pouvant atteindre 15 milliards par an pour le fisc canadien.