Il y a quelques mois, le premier ministre Philippe Couillard disait réfléchir « sérieusement » à adopter un revenu minimum garanti (RMG) dans la province. Mais des chercheurs concluent dans une nouvelle étude que ce sera une lourde tâche, puisqu'il faudra possiblement « déconstruire » le filet social actuel, ce qui pourrait désavantager plusieurs bénéficiaires de l'aide de l'État.

Luc Godbout et Suzie St-Cerny, de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, ont dévoilé une nouvelle recherche, cette semaine, qui porte entre autres sur le revenu minimum garanti - une mesure sociale qui vise à remettre un montant de base à certains citoyens ou à toute la population d'un territoire.

Le RMG peut s'implanter sous plusieurs formes. Le montant peut être plus modeste ou plus généreux, il pourrait être versé à tous les citoyens ou à certains d'entre eux selon le revenu et, surtout, il peut être implanté en complément avec les mesures sociales existantes ou en remplacement de celles-ci, qui seraient abolies en partie ou totalement.

Or, au Québec, l'instauration d'un revenu minimum garanti pourrait bousculer toutes les mesures sociales mises en place depuis les années 60.

Il existe tellement de programmes qui ont été adoptés au fil des années qu'il serait difficile de démanteler une partie du filet social pour compenser par le versement d'un seul revenu.

Par ailleurs, le Québec devra probablement se coordonner aussi avec le gouvernement fédéral, qui contribue à plusieurs mesures sociales dans la province.

Selon M. Godbout et Mme St-Cerny, l'élimination de l'aide sociale, de la prime au travail et du crédit de solidarité pour dégager des sommes nécessaires au revenu minimum garanti pourrait conduire à bon nombre de gagnants et de perdants.

« A priori, on serait mieux de construire à partir de ce qu'il y a. Il y a des dangers à tout raser », a expliqué M. Godbout lors d'une conférence pour expliquer l'étude.

Il y a aussi l'enjeu des coûts du programme - pour que le gouvernement québécois ait les ressources pour financer un tel programme, il aurait peut-être à couper dans les autres mesures sociales.

« Plus une nouvelle allocation de revenu minimum garanti sera généreuse, plus sa mise en oeuvre devra se faire en se substituant à la majorité des prestations existantes », soulignent les chercheurs dans leur étude.

Lors du forum des idées du Parti libéral qui se tenait en septembre avec pour thème les politiques sociales, le premier ministre Couillard avait lui aussi exprimé sa crainte d'adopter de nouvelles mesures sociales qui auraient pour effet d'annuler les bienfaits des autres qui sont déjà en place.

M. Couillard avait rappelé qu'il valait mieux bien réfléchir avant de poser des gestes qui seront indélébiles.

Le Manitoba avait tenté l'expérience à la fin des années 70. Avec le gouvernement fédéral, il avait lancé un projet pilote dans les villes de Dauphin et Winnipeg pour verser un RMG sous forme d'impôt négatif, c'est-à-dire que le montant versé diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Cet essai s'est soldé par une diminution des hospitalisations, une augmentation de la scolarisation, mais aussi par une baisse des heures de travail, notamment chez les femmes ayant de jeunes enfants.

Ils prévoient essayer le revenu minimum garanti

Ontario

Le gouvernement ontarien a chargé le sénateur Hugh D. Segal de mener des consultations pour implanter un projet pilote dans la province, qui devraient se terminer en janvier prochain. Le RMG sera versé sous forme d'impôt négatif.

Pays-Bas

Le projet pilote d'une période de deux ans sera déployé en 2017 dans quelques villes, dont Utrecht. Il s'agit d'une prestation réservée seulement aux bénéficiaires de l'assurance-chômage et de l'aide sociale, mais ces derniers pourront additionner ce montant à un revenu de travail.

Finlande

Le pays testera en janvier prochain le versement d'un revenu minimum garanti universel qui sera versé à toutes les catégories de la population, peu importent leurs revenus et leur situation d'emploi. Le montant remplacera toutefois toutes les mesures sociales, sauf la couverture santé et de l'allocation au logement.