Le Fonds de solidarité met la loge qu'il loue au Centre Bell à la disposition de la FTQ une quarantaine de fois par année tout à fait gratuitement, a appris La Presse.

En août dernier, le président de la centrale syndicale, Daniel Boyer, a assisté à l'un des spectacles de Céline Dion au Centre Bell en compagnie de membres de la structure FTQ, notamment des membres du bureau de la direction.

Les billets, la nourriture et la boisson consommées par M. Boyer et les syndiqués FTQ pendant l'événement ont été payés par le Fonds. En plus d'être président de la FTQ, M. Boyer est premier vice-président du conseil d'administration du Fonds de solidarité.

L'information, qui a été confirmée à la fois par le Fonds de solidarité et la FTQ, donne à penser que les deux organisations continuent d'être étroitement liées malgré la réforme de la gouvernance en 2014 qui visait à rendre le Fonds plus indépendant de la FTQ.

Cette réforme était devenue nécessaire à la suite de la commission Charbonneau qui a constaté que, par le passé, des dirigeants de la FTQ se sont placés en apparence de conflits d'intérêts en lien avec des décisions financières du Fonds FTQ.

Le Fonds justifie le privilège accordé à l'organisation syndicale par le travail de promotion effectué par le réseau de 2000 représentants locaux (RL) en milieu de travail, des syndiqués FTQ. Les RL font la promotion de l'achat des actions du fonds à chaque campagne REER.

« La loge, on l'utilise pour faire la promotion du Fonds de solidarité, pas pour faire la promotion de la FTQ. » - Serge Cadieux, à la fois secrétaire général de la FTQ et troisième vice-président du conseil d'administration du Fonds FTQ

L'actionnariat du Fonds FTQ est composé à 40 % de syndiqués de la FTQ (et 20 % d'autres syndiqués). Les investisseurs y sont incités à acheter des actions grâce aux crédits d'impôt de 30 % du provincial et du fédéral. L'actif du Fonds s'élève à 11,7 milliards.

Le Fonds de solidarité loue une loge de 12 places (mais pouvant accueillir jusqu'à 18 personnes) au Centre Bell depuis qu'il est devenu actionnaire de Groupe CH, propriétaire du Club de hockey canadien, d'evenko, de Spectra et du Centre Bell, en 2009.

Du temps des Expos, le Fonds disposait d'une loge au Stade olympique. Copropriétaire de l'Impact, l'institution a aussi une loge au stade Saputo.

UN PRIVILÈGE ONÉREUX

Dans les dernières années, plusieurs organisations publiques ont renoncé à leur loge au Centre Bell dans le but d'éviter la controverse tout en économisant de précieux dollars. C'est le cas de la Caisse de dépôt et placement du Québec et d'Investissement Québec.

« En tant que copropriétaires du Groupe CH, nous croyons que c'est utile que le Fonds détienne une loge », répond-on au Fonds à la question sur la pertinence de louer une loge en cette ère post-commission Charbonneau. Le lieu sert notamment à tenir des rencontres d'affaires, des soirées reconnaissance pour les employés et des rencontres de maillage entre entreprises partenaires du fonds.

Le coût de location du Centre Bell est gardé secret par le Fonds. Son taux d'occupation dépasse les 95 %, soutient l'organisation. Les rares événements qui ne trouvent pas preneur surviennent l'été comme pour les spectacles de Céline Dion, où la loge a été occupée pour seulement la moitié de ses 10 spectacles.

M. Boyer n'est pas le seul haut dirigeant de la FTQ à s'être déplacé pour écouter la diva originaire de Charlemagne. Le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, et ses proches ont assisté gratuitement au spectacle de Céline Dion le 1er août en utilisant la loge à des fins personnelles. Une situation exceptionnelle, d'après le Fonds.

« C'est la première fois que je demandais la loge à des fins personnelles », a tenu à dire M. Cadieux dans un entretien téléphonique.

Selon l'expert en éthique Donald C. Riendeau, l'utilisation personnelle d'une loge d'une société sans en payer la totalité des coûts est un feu jaune. « Est-ce que c'est dans le meilleur intérêt de l'organisation ? On peut se poser la question. En même temps, c'est un coût fixe », dit le directeur général et fondateur de l'Institut de la confiance dans les organisations.

M. Cadieux n'a pas eu à payer ses billets puisque le groupe de 10 personnes n'a pas causé de frais additionnels au Fonds. Le prix des billets aux spectacles de Céline Dion était déjà compris dans le prix total annuel de la loge. Un billet dans une loge du Centre Bell pour Céline se vendait aux environs de 300 $ sur le marché de la revente. M. Cadieux a toutefois payé personnellement la facture de la nourriture et de la boisson pour la soirée.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Photo Robert Skinner, Archives La Presse

Serge Cadieux est à la fois secrétaire général de la FTQ et troisième vice-président du conseil d'administration du Fonds FTQ.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Daniel Boyer, président de la FTQ