Les employés d'Investissement Québec (IQ) ont touché des bonis totalisant 3,2 millions en 2015-2016. Peu importe les circonstances, la somme que consacre la société d'État à ces primes reste pratiquement inchangée depuis 2011-2012.

Le dernier exercice financier ne fait pas exception, même si le résultat net de la société est en baisse de 33 %, passant de 96 millions en 2014-2015 à 67 millions en 2015-2016.

Les 10 vice-présidents d'IQ se sont partagé 663 000 $ en bonis, soit une moyenne de 66 275 $ par personne, indique un tableau obtenu en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Les cadres, les juristes, les professionnels et le personnel de bureau ont eu droit eux aussi à des bonis, mais plus modestes. En tout, 420 des quelque 500 employés ont touché un boni, soit 85 % du personnel.

IQ traverse une période mouvementée. Outre des profits en baisse, la vente en catimini des actions de Rona a soulevé l'ire des députés de l'opposition. La société a aussi fait l'objet d'un rapport dévastateur de la vérificatrice générale. Le rapport, qui a été publié après la fin de l'année financière 2015-2016, indique que la société ne parvient pas à générer un rendement sur les fonds que le gouvernement lui avance au moins égal au coût d'emprunt de ces fonds, soit 4 %.

« Je suis très étonné de l'ampleur des bonis versés chez IQ, surtout compte tenu de la performance financière qui est loin d'être étincelante. L'impression que ça donne, c'est que les bonis sont des récompenses données à tout le monde plutôt que des récompenses pour la performance. » - Luc Bernier, professeur à l'Université d'Ottawa et titulaire de la chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public

Dans son rapport de juin dernier, la vérificatrice générale soulignait les nombreuses lacunes dans la politique de bonis. « Les indicateurs [...] en vue du calcul des bonis ne sont pas tous adéquats et les cibles qui y sont appariées sont souvent peu contraignantes », peut-on lire dans le rapport.

Cinq critères déterminent le boni chez IQ. Le résultat net compte pour 20 % seulement et le respect des frais d'administration pour 15 %. Les 65 % restants dépendent de critères de volume comme le nombre d'interventions financières, la valeur des financements et l'ampleur des investissements étrangers.

Le critère du respect des frais d'administration repose sur le budget établi en début d'exercice et non pas sur les dépenses réelles de l'année précédente. Or, le budget est systématiquement plus élevé de 2 à 8 millions que les dépenses réelles de l'année précédente, a observé la VG. « Par conséquent, les objectifs permettant de déterminer la performance globale de la Société sont toujours largement dépassés », a-t-elle constaté.

BONIS INCHANGÉS MALGRÉ L'AUSTÉRITÉ

Le montant des bonis résiste même à l'application des mesures d'austérité, a relevé la vérificatrice générale. Dans la foulée de la loi 100 de juin 2010 qui interdisait le versement de bonis aux ministères et organismes gouvernementaux, IQ imposait une réduction de 10 % des bonis à ses VP et de 5 % à ses cadres. « Ces réductions ont eu très peu de conséquences sur les sommes réellement versées », a indiqué la VG. Le boni cible a bel et bien été abaissé de 10 %, mais IQ a versé plus que le boni cible ces années-là en raison d'une « performance supérieure ».

IQ s'est dite d'accord avec chacune des recommandations de la VG, y compris celle l'exhortant à « améliorer les indicateurs et fixer des cibles plus contraignantes afin d'établir les bonis qui seront versés. »

Au téléphone, la porte-parole d'IQ, Chantal Corbeil, a déclaré hier que la politique des bonis fera l'objet de discussions à partir du 21 septembre à l'occasion de la commission parlementaire chargée d'étudier le rapport de la VG à l'endroit de la société.

- Avec la collaboration de Wiliam Leclerc

Photo Jacques Boissinot, Archives La Presse Canadienne

Dans un rapport déposé en juin dernier, la vérificatrice générale Guylaine Leclerc a souligné de nombreuses lacunes dans la politique de bonis à Investissement Québec.