Le gouvernement Couillard admet qu'il ne veut pas «revivre» une autre affaire Rona.

«À la lecture de ce qui s'est passé, il est évident qu'il y a des règles qui doivent être clarifiées» dans la gouverne d'Investissement Québec (IQ), a déclaré la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, qui a évité soigneusement de faire mention du nom de Rona et de la saga du quincailler dans une entrevue téléphonique mercredi après-midi.

Toutefois, la ministre, qui est responsable d'IQ, le bras financier du gouvernement, a fait référence à l'amélioration des communications entre la direction d'IQ et le ministre et à la prise de décision - des enjeux qui ont été abondamment débattus dans la controverse sur la vente de Rona au géant américain Lowe's.

L'opposition a critiqué les libéraux en soutenant notamment qu'IQ aurait pu bloquer la vente si son bloc d'actions n'avait pas été liquidé. Pour sa part, le gouvernement Couillard a toujours maintenu qu'il ne pouvait rien changer dans cette transaction intervenue l'hiver dernier, mais la ministre a soutenu qu'elle ne veut plus revivre ce genre de situation, admettant ainsi qu'elle peut éviter que cela se reproduise.

«Des situations dans lesquelles une décision doit être prise, par exemple des cas récents que l'on a vécus, je ne veux pas avoir à les revivre, a-t-elle dit. Je veux que personne n'ait à les revivre, dans le sens où la responsabilité doit être clairement définie.»

Tout en refusant encore une fois de commenter directement la saga de Rona, Mme Anglade a néanmoins évoqué l'enjeu de l'autorisation ou de la consultation du ministre par IQ. Sans ambiguïté, elle a fait ainsi référence à l'échange de courriels sur Rona entre IQ et son ministère, qui a entraîné la chute de son prédécesseur, Jacques Daoust.

«C'est évident que si on a besoin de l'accord d'un ministre pour prendre une décision, si vous êtes président d'un conseil d'administration, vous allez convenir avec moi que vous aurez besoin de plus qu'un courriel, ou un commentaire dans un courriel, pour prendre une décision», a-t-elle dit.

Le 21 septembre, Investissement Québec déposera donc des propositions pour clarifier ses règles de gouverne et répondre aux recommandations de la vérificatrice générale concernant toute cette affaire.

«C'est ce que je vais demander à Investissement Québec, a-t-elle poursuivi. Si on n'a pas besoin de l'opinion du ministre, on n'en a pas besoin. Si on doit ultimement informer le ministre, qu'on l'informe, et de quelle manière on va l'informer, on va le préciser. Tous ces détails, toutes ces zones grises que nous avons, on va les rendre extrêmement claires, pour qu'on ait de saines règles de gouverne.»

Rappelons que peu après la vente du quincailler québécois à Lowe's l'hiver dernier, on avait appris que la société d'État avait liquidé un bloc d'actions d'environ 150 millions à la fin de 2014 que le gouvernement lui avait pourtant demandé d'acheter en 2012, afin de constituer une minorité de blocage en cas d'offre d'achat hostile.

Le ministre de l'Économie de l'époque, Jacques Daoust, avait toujours nié qu'il avait été mis au courant de la vente de cette participation à l'automne 2014. Mais une série de courriels dévoilée récemment révèle qu'IQ avait sollicité l'avis du ministre et que le chef de cabinet du ministre, Pierre Ouellet, avait répondu «ok».

Le 19 août, M. Daoust a démissionné de son poste dans la foulée de cette controverse, après que son patron, le premier ministre Philippe Couillard, a dit qu'il existait deux versions contradictoires dans cette affaire.

En commission parlementaire la semaine dernière, M. Ouellet avait aussi contredit M. Daoust en déclarant que son ancien patron était bel et bien au courant. Il a aussi indiqué qu'il avait informé le cabinet du premier ministre en juin dernier.

Le premier ministre ne cesse maintenant de répéter que c'est une affaire classée, que le dossier est clos.

À l'opposé, l'opposition est loin de vouloir lâcher prise. Le Parti québécois soutient que c'est plutôt le gouvernement qui devrait améliorer ses communications, si le chef de cabinet de M. Couillard, Jean-Louis Dufresne, n'a été informé qu'en juin dernier.

«Alors que Mme Anglade cherchait si on avait encore des actions d'IQ dans Rona, (M. Daoust) les avait vendues depuis plus d'un an, a déclaré le député de Sanguinet, Alain Therrien, mercredi, en marge du caucus présessionnel de son parti à Gatineau. Où doit donc être l'amélioration des communications?»

Avant de penser à changer les règles, il faut d'abord commencer par respecter les règles déjà établies, a-t-il réclamé. Il demande aussi la poursuite de la commission parlementaire pour faire la lumière sur cette affaire en entendant MM. Dufresne et Daoust.

La Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont aussi exprimé ce souhait, mais les libéraux n'ont pas manifesté d'ouverture.