L'intervention d'Investissement Québec (IQ) dans l'actionnariat de Rona n'a pas empêché la revente du quincaillier à des Américains, mais en plus, elle ne s'est pas avérée payante ou si peu, a-t-on appris en commission parlementaire jeudi.

En revendant précipitamment ses actions de Rona à la fin 2014 et au début 2015, Investissement Québec a fait un profit de 6,2 millions sur deux ans, soit un rendement modeste d'environ 2 % par année sur son investissement de 156 millions. Ces chiffres proviennent d'Yves Lafrance, ancien président d'IQ, qui a été entendu en commission parlementaire. Ils concordent avec les chiffres du rapport de la vérificatrice générale de juin dernier.

Si la société d'État avait conservé les actions de Rona jusqu'à la seconde offre de Lowe's, déposée en février 2016, le rendement annuel sur son investissement se serait élevé à 32 %. Au lieu d'être de 6,2 millions, le profit réalisé aurait alors dépassé les 100 millions ; même que le député péquiste de Sanguinet, Alain Therrien, parlait hier d'un profit de 120 millions.

M. Therrien et les autres députés de la commission parlementaire chargés d'entendre des témoins dans l'affaire Rona ont reçu de la part d'Investissement Québec un cartable faisant le tour de la question. L'information qui y est consignée est classée confidentielle. C'est dans ce volumineux document que l'on trouve des courriels échangés entre IQ et le chef de cabinet de Jacques Daoust, dont la révélation a entraîné la démission du ministre la semaine dernière.

IQ a dépensé 156 millions pour acquérir 9,9 % des actions en circulation de Rona en 2012 et 2013 à la suite de la première offre d'achat, hostile, formulée par l'américaine Lowe's à un prix de 14,50 $ l'action.

L'objectif, a expliqué Mario Albert qui a précédé M. Lafrance à la tête d'IQ, était de constituer une minorité de blocage avec l'aide d'autres investisseurs comme la Caisse de dépôt, le Fonds de solidarité FTQ, la direction et les marchands Rona. Une minorité de blocage représente au moins 33 % des actions et sert à bloquer une offre d'achat hostile ou simplement jugée insatisfaisante. IQ ne voulait pas avoir 10 % ou plus du capital-actions du quincaillier pour éviter de devoir respecter les exigences réglementaires relativement aux initiés de l'entreprise.

Non sans surprise, l'investissement d'IQ dans Rona a été fait avec ses fonds propres et non pas avec l'argent du fonds de développement économique, qui est l'enveloppe discrétionnaire du gouvernement du Québec en matière d'aide économique. Ce faisant, les variations du prix de l'action de Rona sur lesquelles IQ n'a aucun contrôle influencent directement le rendement de la société d'État. Une situation qui préoccupait constamment les administrateurs d'IQ, a-t-on entendu à plusieurs reprises mercredi en commission.

« LE DANGER ÉTAIT ÉCARTÉ »

La participation de Rona représentait environ 6 % des fonds propres d'IQ, une portion considérable. L'investissement dans Rona a d'ailleurs nécessité l'adoption d'un décret, car il dépassait la limite fixée à 2,5 % des fonds propres. Le décret a été tenu confidentiel. Il a été rendu public mercredi de cette semaine.

Par ailleurs, les administrateurs jugeaient, 24 mois après l'offre hostile de Lowe's, que « le danger (d'une prise de contrôle) était écarté », selon le témoignage de M. Lafrance. La décision de vendre la totalité des actions de Rona a été prise par le conseil d'administration d'IQ le 17 novembre 2014.