Montréal veut relancer son secteur manufacturier, qui a perdu plus de la moitié de ses emplois depuis 35 ans. La Ville lance une consultation la semaine prochaine afin de trouver des solutions pour freiner la chute de cette industrie qui représente la majeure partie des exportations du Québec. Portrait d'un secteur qui en arrache et des solutions qui s'offrent.

Les emplois fuient l'île

Le Service du développement économique de Montréal a réalisé un diagnostic de l'état de santé du secteur manufacturier de la métropole et le portrait est peu reluisant. Depuis 1981, l'île a vu disparaître plus de la moitié des emplois qui y étaient rattachés. À l'inverse, le nombre d'emplois manufacturiers a augmenté d'un peu plus du quart dans la périphérie de Montréal. Depuis 25 ans, Laval a vu 4800 emplois s'ajouter dans ce secteur et 8100 dans la couronne nord. Mais ces gains sont loin d'avoir contrebalancé les pertes d'emplois dans l'île.

Toronto aussi lourdement touché

La dégringolade du secteur manufacturier de Montréal est loin d'être unique au Canada. La métropole canadienne, Toronto, a même connu une saignée plus importante encore. « Il y a 50 à 60 ans, le secteur manufacturier représentait le tiers de l'emploi total en Amérique du Nord. Aujourd'hui, c'est environ 10 %. Tout le monde va dans la même direction », souligne l'économiste Pierre Fortin. Il attribue cette situation notamment à l'augmentation de la productivité. « Les manufacturiers produisent de plus en plus avec de moins en moins de monde. » Il reste que certains grands centres ont réussi à mieux tirer leur épingle du jeu, comme Québec et Vancouver.

Variation de l'emploi manufacturier de 1987 à 2016

Toronto -126 000

Montréal -73 000

Québec + 9000

Vancouver + 13 000

Calgary + 18 000

Plusieurs causes

Le Service du développement économique de Montréal a établi plusieurs causes pour expliquer les difficultés du secteur manufacturier de la métropole. Au début des années 2000, l'éclatement de la bulle technologique a donné un dur coup. L'augmentation de la valeur du huard face au dollar américain a aussi fait mal aux manufacturiers qui représentent la majeure partie des exportations. La fin des quotas d'importation de textile et de vêtements intervenue en 2005 a également contribué à accélérer la décroissance de ce secteur. Ces changements ont particulièrement frappé la fabrication des produits informatiques et électroniques, des produits pétroliers et des vêtements.

Solutions recherchées

Pour tenter de freiner la dégringolade du secteur manufacturier montréalais, les élus chargés de conseiller Montréal pour son développement économique tiendront ainsi une consultation publique à partir de la semaine prochaine. Une première rencontre a lieu le 16 juin, à l'hôtel de ville. Le Service du développement économique fera une présentation pour présenter son diagnostic de l'industrie dans la région de Montréal. À l'automne, les citoyens et groupes souhaitant apporter des pistes de solution pourront présenter un mémoire. À l'issue de ces rencontres, la Commission sur le développement économique adoptera des recommandations.

Pistes de solution

Déjà, le Service du développement économique a établi certaines pistes de solution. Il propose de miser sur les avancées technologiques pour donner un nouveau souffle à cette industrie. Plusieurs secteurs connaissent une croissance à l'étranger, comme les applications numériques à travers l'internet des objets. L'avènement de l'impression 3D ouvre aussi de nouvelles possibilités pour stimuler l'innovation et réduire certaines dépenses, comme les coûts de transport. Les technologies propres, comme les transports électriques ou la chimie verte, pourraient aussi présenter une avenue intéressante.

Mise sur la qualité de la main-d'oeuvre

Montréal devrait mettre davantage de l'avant la qualité de sa main-d'oeuvre, estime Matthieu Pelard, agent de recherche à la Chaire de recherche du Canada sur la mondialisation du travail. « Le Québec, et notamment Montréal, dispose d'un système d'éducation de qualité et reconnu internationalement. Il y a un écosystème de formation très actif et très dense. Ce dernier permet de former une main-d'oeuvre de calibre mondial », dit-il. L'économiste Pierre Fortin croit également que la qualité de la main-d'oeuvre représente un atout pour Montréal. « Il faut s'assurer qu'on maintient la qualité de la formation qu'on donne dans les domaines scientifiques et technologiques parce que, ce qui est dangereux, c'est que ça commence à être moins bon. »

Faire une alliance Montréal-Toronto ?

L'économiste Pierre Fortin croit que Montréal ne devrait pas uniquement considérer l'avenir de son propre secteur manufacturier en vase clos. « Ça ne serait pas une mauvaise affaire que Montréal pense à s'allier avec Toronto. On est dans le même bateau. Il y aurait certainement des mesures que les Ontariens et les Québécois pourraient adopter pour soutenir les emplois manufacturiers », dit-il. Les alliances étant importantes, l'économiste qui a étudié l'état du secteur manufacturier pour le compte d'Investissement Québec, souligne que plusieurs entreprises s'inquiètent de l'avenir de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), notamment avec la candidature de Donald Trump qui souhaite l'abolir.