Alors que les responsables de la vaste fraude financière dans l'affaire Cinar ont été déclarés coupables jeudi, Québec assure qu'il s'active pour renforcer la protection des investisseurs et l'indemnisation des victimes de tels escrocs.

Le ministre des Finances Carlos Leitão confirmera dans quelques mois les changements qui devraient permettre à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de mettre K.-O. les conseillers financiers fraudeurs et incompétents, avant qu'ils ne dépouillent les petits épargnants de millions de dollars, comme l'ont fait Vincent Lacroix, Earl Jones et Carole Morinville, notamment.

Des changements sont aussi proposés au Fonds d'indemnisation des services financiers (FISF), dont les règles sont jugées trop restrictives : la majorité des victimes de fraude qui y font une réclamation ne peuvent rien recevoir.

« Nous travaillons sur un projet de loi dont les grandes orientations ont été présentées au dernier budget, a indiqué Audrey Cloutier, attachée de presse du ministre Leitão. Le projet de loi sera présenté au cours de l'année, vraisemblablement à l'automne. »

Quelques changements proposés

- Bonifier le FISF pour qu'il couvre tout investisseur victime d'une fraude commise par un conseiller inscrit auprès de l'AMF, peu importe la nature du produit financier en cause.

- Faire approuver les demandes d'indemnisation par un comité indépendant et créer un mécanisme de révision des décisions.

- Créer un comité consultatif représentant les investisseurs, les épargnants et les consommateurs de produits et services financiers, chargé de faire valoir leurs intérêts au sein de l'AMF.

- Financer la mission éducative de l'AMF à même ses revenus plutôt que par les pénalités et amendes.

- Simplifier et uniformiser les pouvoirs d'inspection et d'enquête de l'AMF, et permettre une intervention plus rapide auprès des cabinets et représentants fautifs.

Les modifications suggérées ne couvrent pas la fraude commise par un conseiller sans permis, ni les malversations des gestionnaires de fonds communs et des courtiers.

Victimes laissées pour compte

Un seul des 1600 épargnants ayant perdu 130 millions dans l'affaire Mount Real, l'une des pires fraudes financières du Québec, a été indemnisé par le FISF. Même si plusieurs conseillers financiers de Mount Real détenaient un permis d'exercice, les victimes ne répondaient pas aux critères du Fonds, parce que les produits vendus n'étaient pas approuvés par l'AMF.

Les 200 victimes d'Earl Jones, fraudées pour 50 millions, n'ont pas non plus été indemnisées, parce que le pseudo-conseiller financier ne détenait aucun permis. Dans la fraude de 113,5 millions de Norbourg, 920 victimes sur 9200 ont eu droit à certaines compensations.

Les victimes de Mount Real avaient déposé une pétition à l'Assemblée nationale en 2011 pour demander des changements aux critères d'admissibilité du Fonds d'indemnisation.

Le groupe n'a jamais eu de réponse à ses demandes. Il n'a pas été sollicité au cours des consultations menées par l'AMF et par le ministre des Finances au sujet des changements visant à mieux protéger les investisseurs. La représentante des victimes, Janet Watson, n'était même pas au courant des propositions mises de l'avant.

« C'est un peu tard pour nous, mais peut-être que finalement nos déboires serviront à faire bouger les choses », a laissé tomber Mme Watson.

L'ex-PDG de Mount Real, Lino Matteo, a été reconnu coupable de fraude et autres malversations jeudi dernier dans l'affaire Cinar, avec ses comparses Ronald Weinberg et John Xanthoudakis.

Mais ce procès ne concernait pas les 1600 petits investisseurs floués, victimes d'une fraude financière se rapprochant d'une « combine à la Ponzi », mise au jour en 2005. Dans cette affaire, Matteo est poursuivi par l'AMF pour 308 infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. Les procédures ont été retardées par l'extrême complexité de l'affaire, par les manoeuvres de l'accusé pour faire traîner les choses et par la tenue du procès Cinar, qui a duré deux ans.

Alors qu'il sera vraisemblablement en prison, Matteo reviendra en cour en septembre prochain pour subir son autre procès.

« La seule petite lueur de justice que nous pouvons voir en 11 ans, c'est de penser que l'accusé arrivera à son nouveau procès avec les menottes aux poignets », se réjouit Janet Watson.