Quelle est la différence entre emmener un client au hockey ou aller jouer au golf avec lui? Les deux activités peuvent servir à resserrer des liens d'affaires, mais seuls les frais liés au match de hockey peuvent être soustraits de l'impôt.

L'industrie du golf en a assez. «On ne demande pas de traitement de faveur, mais on veut être traités comme les autres», explique Sylvain Beaudet, propriétaire de six clubs de golf et porte-parole de l'industrie au Québec.

Depuis des années, les propriétaires de terrains de golf tentent de convaincre les gouvernements à Ottawa et à Québec que leurs activités devraient être admissibles comme des frais de représentation et donc déductibles d'impôt, comme le sont les parties de hockey, les journées de ski ou les concerts de l'Orchestre symphonique pour les entreprises qui y emmènent leurs clients.

Ces efforts sont restés vains. Alors que le secteur du golf poursuit son déclin, l'industrie a décidé de prendre les grands moyens. Tous ses intervenants ont décidé de se regrouper et d'embaucher un lobbyiste pour plaider leur cause auprès du gouvernement québécois.

La Table de concertation de la grande industrie du golf regroupe huit organismes, des associations de joueurs professionnels, des propriétaires de terrains, des directeurs généraux des clubs et des spécialistes qui s'occupent des gazons qui, pour la première fois, parlent d'une même voix.

«C'est une injustice qui doit être réparée», soutient leur porte-parole Sylvain Beaudet. Selon lui, l'industrie a besoin du «petit coup de main» que serait la reconnaissance des dépenses liées au golf à titre de frais de représentation.

Les clubs de golf ont déjà eu cet avantage fiscal, avant 1971. Y a-t-il eu des abus? Personne dans l'industrie ne se souvient pourquoi le golf a été exclu. La plupart des gens ne savent même pas que ce sport est exclu. «Il y a même des députés et des ministres qui ne le savent pas», affirme M. Beaudet.

Pourquoi le hockey et pas le golf? 

Le fiscaliste Jean François Thuot, de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, explique qu'il y a souvent des incongruités dans la Loi de l'impôt. La position de l'industrie du golf se défend, selon lui.

«Il n'y a pas vraiment de raison pour que les frais de représentation liés à ce sport ne soient pas traités comme les autres», affirme M. Thuot

La Loi de l'impôt accorde aux entreprises le droit de déduire des frais de repas et de divertissement parce qu'elle reconnaît que certaines dépenses sont nécessaires pour gagner un revenu. La déduction, qui était autrefois de 100% des dépenses, a été ramenée à 50% il y a plusieurs années. Le traitement des frais de représentation est le même au fédéral et au provincial.

UN LONG ET LENT DÉCLIN

À la fin du mois de mars, quand les golfeurs astiquaient leur équipement et s'apprêtaient à envahir les terrains, la nouvelle a eu l'effet d'un coup de tonnerre

Le Boisé de Terrebonne, un terrain de golf moderne et primé, a annoncé sa fermeture. 

« Il s'agit d'une décision d'affaires mûrement réfléchie, a expliqué son président, Éric Vandal. Le nombre de joueurs diminue d'année en année, leurs habitudes changent et la concurrence est féroce. Un club ferme toutes les 48 heures en Amérique du Nord, depuis quelques années. »

Comme plusieurs autres, Le Boisé accumulait les déficits depuis quelques années. L'industrie s'en inquiète particulièrement depuis 2008, quand les entreprises ont commencé à réduire leurs dépenses pour faire face à la crise. 

Une étude réalisée par Ipsos Marketing en 2013 a mesuré l'étendue des dommages : la popularité du sport est en chute libre chez les jeunes, le golf est considéré comme une activité coûteuse et réservée à l'élite et les femmes n'y ont pas leur place.

Ce fut tout un choc pour une industrie qui s'attendait à vivre un âge d'or avec l'arrivée des baby-boomers à la retraite. « Ça ne s'est pas avéré », dit Sylvain Beaudet, dont l'entreprise exploite les golfs de Lachute, Sainte-Rose et celui des Îles de Boucherville, entre autres.

Les baby-boomers sont venus, mais pas en aussi grand nombre que prévu.

« Ils sont surtout allés ailleurs, vers le vélo par exemple, qui est un sport en pleine croissance. » - Sylvain Beaudet, qui exploite les golfs de Lachute et de Sainte-Rose

L'industrie a réagi. Elle a tenté de se démocratiser en réduisant ses tarifs et en s'ouvrant davantage aux jeunes et aux femmes. Ça donne des résultats, selon Sylvain Beaudet. « Il y a eu un léger gain du nombre de rondes jouées en 2015, mais on n'est pas revenus aux bonnes années. »

Le nombre de terrains a diminué, ce qui fait plus de clients potentiels pour ceux qui restent. Mais ils s'arrachent les clients à coup de promotions et les revenus en souffrent. « Le retour sur l'investissement n'est pas intéressant. On a encore un bon challenge comme industrie », reconnaît son porte-parole.

LE GOLF EN CHIFFRES

Nombre de terrains au Québec

349

Nombre d'emplois

2009 : 58 000

2013 : 52 000

Nombre de joueurs

1 080 614

Rondes de golf jouées

2011 : 8,6 millions

2013 : 6,8 millions

Sources : Ipsos Marketing, ATGQ