Les entreprises manufacturières traditionnelles seront les grandes perdantes du nouveau plan stratégique d'Investissement Québec.

Rendu public jeudi, le plan stratégique 2016-2019 du bras financier de l'État indique une volonté gouvernementale de forcer la main aux entrepreneurs, en les incitant à innover davantage s'ils veulent obtenir l'aide financière de Québec.

L'essentiel des fonds consacrés par Investissement Québec au secteur manufacturier sera désormais réservé aux entreprises les plus innovantes, donc celles qui sont prêtes à investir dans une nouvelle machinerie de pointe ou de l'équipement de haute technologie, par exemple, pour mieux se positionner par rapport à la concurrence étrangère.

Les entreprises qui ne veulent pas prendre cette avenue risquent fort de se sentir laissées pour compte, quand elles feront appel à Investissement Québec pour obtenir son soutien financier.

Investissement Québec va donc réallouer quelque 500 millions sur trois ans, pour mieux stimuler à l'avenir le secteur manufacturier « innovant ».

Le qualificatif « innovant » est d'ailleurs revenu à de nombreuses reprises, durant la conférence de presse donnée par la ministre du Développement économique, Dominique Anglade, et le président d'Investissement Québec, Pierre Gabriel Côté.

Du total des appuis financiers offerts aux entrepreneurs, « il va rester du traditionnel, mais en proportion, il y en aura beaucoup moins » que par le passé, a prévenu la ministre.

Le message d'Investissement Québec aux manufacturiers sera le suivant : « Pourquoi pas y aller avec la dernière technologie de classe mondiale, qui coûte plus cher, mais on va être là pour les appuyer », a ajouté M. Côté, qui préconise une « approche client », en assurant une présence accrue sur le terrain, partout en régions, pour rencontrer les dirigeants d'entreprises.

Quels résultats?

La ministre Anglade est demeurée vague sur les résultats escomptés et les cibles visées par cette stratégie, qui était fort attendue. Elle n'a pu donner aucun objectif chiffré, en termes de création d'emplois reliée à l'application du nouveau plan stratégique. « On n'a pas de chiffres spécifiques » pour l'emploi, a-t-elle convenu.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, dit avoir lu le document à deux reprises et a déploré n'y avoir trouvé « aucun objectif, aucune cible ». Au passage, il a égratigné les gens d'affaires, trop gentils envers le gouvernement, selon lui.

Le premier ministre Philippe Couillard a salué la publication du document en disant que la nouvelle stratégie marquait « un changement profond de culture à Investissement Québec », une institution qui était dirigée par l'actuel ministre des Transports et auparavant ministre du Développement économique, Jacques Daoust, de 2006 à 2013.

Le secteur manufacturier ne représente que 14 % du PIB de l'économie québécoise. En 2000, c'était 21 %. Le recul est donc important.

« Une priorisation du manufacturier, pour moi, c'est de la musique à mes oreilles », a commenté M. Côté, parce que c'est grâce à ce secteur que le Québec peut espérer produire davantage de richesse, notamment grâce à la modernisation des équipements.

L'institution dispose d'environ 1 milliard chaque année à « déployer » pour stimuler l'économie, avec du capital de risque injecté souvent dans des projets qui, autrement, « ne verraient pas le jour », résume le président de l'organisme.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a accueilli favorablement la nouvelle approche préconisée par Investissement Québec.

« Il est important de donner un coup de pouce à nos manufacturiers pour qu'ils puissent profiter pleinement du contexte économique favorable lié notamment au rythme de croissance de l'économie américaine, à la faiblesse du dollar canadien, aux prix avantageux de l'énergie et au potentiel des nouveaux accords de libre-échange », a commenté Martine Hébert, vice-présidente principale de la FCEI.

Legault estomaqué

Le chef caquiste François Legault en a profité pour faire la leçon aux gens d'affaires, se disant estomaqué de voir qu'ils « se réjouissent de si peu, d'un plan si vide ».

« Je trouve ça malheureux que les représentants patronaux soient aussi complaisants envers le gouvernement libéral », a-t-il commenté en point de presse.

Il affirme qu'en privé, au contraire, les chefs d'entreprise se plaignent du gouvernement, de la fragilité économique et du manque d'ambition de l'équipe Couillard pour stimuler la croissance.

L'attitude du monde des affaires, « je trouve ça inquiétant, décourageant », a-t-il dit.