Avec émotion, il avait appelé à la « fin des exils » lors des funérailles de son mentor Jacques Parizeau, au printemps dernier.

En juillet, le financier Jean-Martin Aussant, ex-député péquiste et fondateur du parti souverainiste Option nationale, est revenu de Londres. Il s'est installé à Pointe-Saint-Charles avec sa conjointe Catherine et leurs jumeaux Maximilien et Eva, 5 ans.

Depuis six mois, Jean-Martin Aussant est le nouveau patron du Chantier de l'économie sociale, un organisme voué à la promotion de l'entrepreneuriat collectif dans les coopératives et les OBNL.

Ce virage professionnel en a surpris plusieurs. Comment a-t-il pu quitter un poste de financier très bien payé, au coeur de la City, pour diriger un organisme communautaire de l'est de Montréal ? 

La question le fait sourire. « C'est un geste basé sur le coeur et sur les valeurs beaucoup plus que sur le rationnel monétaire », dit-il.

Ce n'est pas la première fois qu'il change de boulot en sachant qu'il laisse beaucoup sur la table. 

« L'argent, ce n'est pas ce qui me guide, sinon il y aurait bien des gens que je n'aurais pas connus et bien des choses que je n'aurais pas faites. J'aurais peut-être quelques millions de plus en banque, et je serais content de ça, mais tout le reste, je ne l'aurais pas », assure Jean-Martin Aussant.

Le nouveau directeur général est installé dans son bureau de la rue Fullum, dans l'ancienne bâtisse rénovée des Soeurs de la Providence. Il est affable, rieur et très allumé, des traits qui définissent son caractère, reconnu aussi pour ses impatiences et ses fulgurances.

Sur les murs, deux passions : la musique, représentée par un violoncelliste peint par l'artiste Pierre Fisette, et le drapeau du Barça, l'équipe de football de Barcelone, une ville où il a étudié.

Le fil conducteur

« Il y a quand même une trame de fond dans mon engagement, poursuit-il. L'aspect social a toujours été au centre de ce que je fais. »

Même en finance, il a toujours trouvé une « utilité collective » à son travail. « Je n'ai jamais été du côté des spéculateurs qui détruisent les devises ou qui parient contre les firmes », précise-t-il.

Au bureau londonien de MSCI, un géant de la finance internationale, Jean-Martin Aussant était directeur exécutif. Il supervisait un groupe d'experts couvrant l'Europe, l'Afrique, le Moyen-Orient et une partie de l'Asie.

Son équipe fournissait des modèles mathématiques de gestion de risques, de construction de portefeuille et d'allocation d'actifs aux clients.

« Il y avait une finalité sociale dans ma gestion de la finance, dit-il. Dans mon travail, il y a toujours eu un aspect caisses de retraite des travailleurs, dotations et fonds d'universités. »

La durée du mandat

Le Chantier avait Jean-Martin Aussant dans sa ligne de mire depuis longtemps. Les premiers contacts remontent en 2014. Mais, à ce moment, il ne pensait pas revenir tout de suite.

Puis, au début 2015, deux aînés de la famille ont connu de graves problèmes de santé, en plus de M. Parizeau. « On a alors commencé à regarder un retour plus rapidement que prévu », dit-il.

M. Aussant ne regrette pas son saut vers l'économie sociale. « L'équipe est formidable », dit-il. 

« Ce que le Chantier fait, et peut faire, est insoupçonné. Il y a un potentiel fantastique. »

Malgré ses milliers d'entreprises et un poids de l'ordre de 35 milliards dans l'économie, ce pan d'activités est méconnu au Québec. Le directeur général a le mandat d'en faire la promotion et d'en augmenter la reconnaissance.

La durée de son contrat est indéterminée. « Je suis en poste tant que les administrateurs voudront de moi ou que d'autres choses arrivent de mon côté », précise-t-il.

Son plan, c'est d'être au Chantier pour plusieurs années. « Pour l'instant, j'apprécie énormément ce qu'on y fait pour le Québec, ajoute-t-il. Il y a beaucoup d'entraide et de solidarité. C'est emballant et je ne pense pas à autre chose. »

Et la politique...

Jean-Martin Aussant suit quand même « de très près » ce qui se passe en politique. « Qu'on le veuille ou non, c'est là que les décisions deviennent lois, règles et cadre social. Peut-être qu'un jour j'y retournerai, mais je n'ai pas un plan déterminé. »

De toute façon, les raisons familiales qui l'ont éloigné de la politique en 2013 sont encore valables. À Londres, il déjeunait et soupait avec ses jeunes enfants et ils passaient les week-ends ensemble. La même routine prévaut depuis leur arrivée à Montréal.

« Mes enfants ont 5 ans et je ne pense pas qu'à 6 ans, ils vont comprendre pourquoi je ne serais jamais là », dit-il. 

« Mon objectif, si je reviens un jour en politique, c'est [que mes enfants] comprennent pourquoi ils me voient moins souvent. Mais, surtout, qu'ils soient derrière moi et me disent que je fais la bonne chose », affirme Jean-Martin Aussant.

Et c'est à partir de quel âge ?

« Comme c'est la première fois que j'ai des enfants, je ne le sais pas, lance-t-il en riant. Il y en a qui doivent se sentir O.K. avec ça plus vite que d'autres. Ça va être à l'expérience que je vais le voir. »

D'ici là, rappelle-t-il, le Chantier se prononce sur des politiques publiques, mais ne fait pas de politique partisane. Il doit assurer une neutralité face au gouvernement et aux différents partis.

Devoir de réserve, bien sûr. Et position fort utile, peut-on ajouter, pour quelqu'un... en réserve de la République.