Les avocats menacent la survie de leur propre profession et nuisent à l'accès des citoyens à la justice en facturant leurs services sur la base des heures travaillées.

Environ 70 % des avocats utilisent la tarification horaire, qui place leurs intérêts financiers en contradiction avec ceux de leurs clients et encourage l'inefficacité, conclut le Barreau du Québec dans un imposant rapport publié cette semaine, qui demande une « remise en question profonde » de cette pratique et un changement de mentalité chez ses membres.

Un avocat payé selon le nombre d'heures qu'il consacre à un dossier n'a effectivement pas intérêt à le régler le plus vite possible.

« Vendre des heures est une philosophie ancrée depuis longtemps, mais ça ne veut rien dire, souligne la bâtonnière du Québec, MClaudia Prémont. Ça n'encourage pas l'efficacité. Il faut vendre nos services autrement pour mieux répondre aux besoins des clients parce qu'une strate importante de la population s'est détournée des avocats. »

« J'aimerais dire qu'on vend des solutions, mais on vend du temps », soutient un avocat cité dans le rapport du Barreau.

Le rapport critique sans ménagement la facturation à l'heure, qui « a fait augmenter les revenus des avocats mais a également fait augmenter les coûts pour leurs clients » et est responsable en partie du « décrochage judiciaire » de la population.

« Nous assistons aujourd'hui à un essoufflement de la croissance des revenus chez les avocats », souligne le document. Déjà, en 2002, le Barreau des États-Unis affirmait que si rien n'était fait, la tarification à l'heure allait « tuer la profession ».

FAIRE SON TESTAMENT CHEZ WALMART

Comme dans d'autres domaines, l'offre de services juridiques commence à changer. Dans certains Walmart de l'Ontario, on peut faire son testament pour 99 $ et conclure une transaction immobilière pour 1288 $, mentionne par exemple le rapport du Barreau.

On peut aussi adhérer à un abonnement mensuel à prix fixe pour des services juridiques en ligne ou téléphoniques. Il existe des logiciels permettant de prédire l'issue d'un procès avec plus de succès que l'évaluation humaine et de réduire considérablement le temps de recherche.

Dernièrement, de jeunes avocats québécois ont lancé un service de règlement en ligne de conflits.

Or, actuellement, les avocats qui facturent à l'heure n'ont pas intérêt à investir dans de nouvelles technologies qui améliorent leur efficacité. « Tout comme pour l'industrie hôtelière avec Airbnb ou l'industrie du taxi et la venue d'Uber, les avocats devront assimiler ce changement et s'intégrer dans cette mouvance, et non pas la combattre. Ce nouvel environnement va se traduire par des investissements substantiels dans la pratique », souligne le rapport.

Pour faire face à ces défis, les avocats doivent maîtriser davantage les technologies, les notions de finances et de marketing, et investir davantage dans la recherche et le développement. « Nous sommes en train de revoir les programmes de l'école du Barreau, notamment pour mettre en place un volet entrepreneurial, indique MClaudia Prémont. L'ordre professionnel offre aussi à ses membres des formations sur d'autres modes de facturation. »