Pour tenter de relancer l'économie du Québec, dont la croissance demeure faible, le gouvernement Couillard prévoit un bouquet de mesures d'environ 2,3 milliards de dollars étalé sur cinq ans afin d'en favoriser le développement.

Dans la plupart des cas, les sommes octroyées grimperont de façon progressive, constate-t-on.

C'est le secteur manufacturier qui recevra la part du lion de l'enveloppe gouvernementale, avec 850 millions $.

De ce montant, 539 millions $ seront destinés à consentir un rabais d'électricité maximal de 20 % pendant quatre ans, ce qui permettrait à une entreprise admissible de couvrir jusqu'à 40 % de la facture de son investissement.

Cette mesure a été saluée de façon quasi-unanime par les représentants des associations patronales présents à l'intérieur du huis clos sur le budget.

«On retrouve une marge de manoeuvre qui permet au gouvernement de faire des choix, avec des moyens limités, il faut le reconnaître, a dit la présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand. C'est extrêmement important.»

Ce rabais sur l'électricité s'applique à plus de 150 sociétés qui bénéficient du tarif L, ce qui, d'après le gouvernement Couillard, représente 25 % des emplois et 40 % des investissements annuels du secteur manufacturier.

Toutefois, les alumineries, qui bénéficient déjà d'ententes avec Québec en ce qui a trait aux tarifs hydroélectriques, ne sont pas admissibles.

On évalue à 2,6 milliards $ les investissements potentiels qui pourraient être effectuées d'ici 2021 dans le cadre de ce nouvel incitatif.

Ce nouveau rabais accompagne le tarif de développement économique destiné aux compagnies qui viennent s'établir dans la province déjà existant.

Par ailleurs, ces grands consommateurs d'électricité sont également admissibles à une autre économie d'électricité supplémentaire équivalant à 10 % de leur investissement si celui-ci se traduit par une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les «secteurs clés» de l'économie, comme la foresterie, l'aérospatiale et les sciences de la vie, recevront pour leur part 608 million $ sur cinq ans, principalement afin de soutenir l'innovation.

L'enveloppe la plus importante, soit 230 millions $, sera octroyée à l'industrie forestière, principalement afin d'en améliorer la compétitivité ainsi que la contribution de la forêt privée à l'approvisionnement.

Près de 60 000 emplois directs reposent sur ce secteur, qui, même s'il représentait deux % du produit intérieur brut (PIB) québécois en 2014, a connu son lot de difficultés et de fermetures d'usines au cours de la dernière décennie.

Quant aux quelque 240 000 petites et moyennes entreprises (PME) - qui représentent plus de 95 % des entreprises du Québec - l'impact des mesures est évalué à 282 millions $.

À compter du 1er janvier 2017, le budget prévoit une réduction additionnelle du taux de cotisation au Fonds des services de santé (FSS) - une taxe sur la masse salariale - pour l'ensemble des PME québécoises, un signal qualifié «d'intéressant» par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

D'ici 2021, le taux passera graduellement de 1,6 à 1,45 % pour les compagnies des secteurs primaire et manufacturier dont la masse salariale est inférieure à 1 million $, alors que du côté des secteurs des services ainsi que de la construction, le recul sera de 2,7 à deux %.

«Cela va représenter à terme des économies substantielles pour les entreprises, a estimé la vice-présidente principale de la FCEI, Martine Hébert. Quand on pense que la moitié des entreprises de la province comptent moins de cinq employés et que 75 % en ont moins de 10, on peut présumer qu'il y a plusieurs PME qui vont bénéficier de cette mesure.»

Celle-ci a rappelé qu'il s'agissait d'une des principales recommandations prébudgétaires de la Fédération.

Le budget du ministre Leitao prévoit que la réduction additionnelle de la cotisation FSS permettra de réduire annuellement de 385 millions $ le fardeau fiscal des PME.

Les entreprises se disent satisfaites

Les représentants des entreprises se montrent satisfaits du budget Leitao, compte tenu de la marge de manoeuvre limitée dont disposait le gouvernement du Québec, selon eux.

«Malgré des moyens encore limités du gouvernement, on voit que c'est un budget "manufacturier". Il y a entre autres pour l'innovation près de 400 millions pour nous là-dedans pour des projets d'automatisation, de robotisation, de numérisation. Ça, ça urge», s'est exclamé au cours d'une entrevue le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Éric Tétrault.

Il rappelle qu'avec les différents accords touchant la libéralisation des échanges, les entreprises ont intérêt à être plus productives et avaient besoin d'un coup de pouce à ce chapitre.

«Le gouvernement nous a entendus, mais les moyens sont encore limités», a laissé tomber en entrevue Françoise Bertrand, de la Fédération des Chambres de commerce du Québec.

Elle souligne particulièrement le rabais du tarif d'électricité dont pourront bénéficier les grandes entreprises consommatrices à certaines conditions.

Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, se réjouit aussi du fait que les entreprises seront en mesure de voir à plus long terme. «C'est assez exceptionnel, on n'a jamais vu ça au Québec: une prévision de budget pour les cinq prochaines années», a-t-il dit.

Bien que le gouvernement ne disposait pas d'une marge de manoeuvre extraordinaire pour investir dans les nouvelles initiatives, «il le fait cependant et il le fait dans l'éducation, l'innovation, l'exportation; il le fait dans plusieurs domaines, mais ces mesures sont réparties dans le temps, parce que la marge de manoeuvre est faible», a justifié M. Dorval.

Il apprécie tout de même cette modération et cette prudence.

Du côté de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui représente des petites et moyennes entreprises, la vice-présidente principale, Martine Hébert, s'est réjouie du fait que Québec n'ait pas privilégié que certaines entreprises avec ses mesures.

«On a toujours préféré des mesures d'intérêt général à des mesures ciblées. Les crédits d'impôt, les subventions, par exemple, ce sont toujours des mesures qui s'adressent à certaines entreprises avec certaines caractéristiques pour faire certaines choses, alors que les allègements fiscaux bénéficient à l'ensemble des entreprises, qui peuvent, après, décider elles-mêmes où elles vont investir», a relevé Mme Hébert.

Elle cite en exemple l'accélération de la réduction de la contribution au Fonds des services de santé pour les petites entreprises ayant une masse salariale de moins de 1 million $.

«On peut très bien présumer qu'il y a plusieurs, plusieurs PME au Québec, dans plusieurs secteurs d'activités, qui vont bénéficier de cette mesure-là», a opiné Mme Hébert.