Trois ans après avoir été recruté pour redorer le blason de SNC-Lavalin, Robert Card cède les rênes de la firme d'ingénierie, désireuse d'améliorer son exécution afin de renouer avec la croissance de ses profits.

Ce changement de garde surprise, qui entre en vigueur à compter du 5 octobre, a été annoncé lundi par la multinationale québécoise, qui a choisi son actuel chef de l'exploitation, Neil Bruce, 55 ans, pour succéder à M. Card.

«Le conseil d'administration et M. Card pensaient que c'était le bon moment, a expliqué en entrevue téléphonique le président du conseil d'administration, Lawrence Stevenson. Son objectif était de mettre en place un programme de référence en matière d'éthique. Aujourd'hui, on veut améliorer nos résultats financiers.»

M. Card, dont le salaire total avait été de 4,9 millions $ en 2014, épaulera son successeur et le conseil d'administration jusqu'en 2016 en échange d'une rémunération qui n'a pas été dévoilée.

Les discussions sur la succession éventuelle de M. Card, âgé de 62 ans, se sont amorcées il y a environ neuf mois et les deux parties ont «mutuellement convenu» qu'un changement serait bénéfique.

L'arrivée de M. Card à la tête de la plus importante firme d'ingénierie au pays a été suivie d'un important ménage au sein de la haute direction de l'entreprise, qui, en plus d'être visée par des allégations de corruption, a entre autres vu son ancien grand patron Pierre Duhaime être arrêté puis accusé de fraude et de complot.

M. Stevenson a dit que le départ de M. Card n'avait rien à voir avec les accusations criminelles de fraude et de corruption déposées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à l'endroit de SNC-Lavalin, qui compte plaider non coupable, pour des événements qui seraient survenus en Libye.

«Le dossier continue, mais les changements sont vraiment sur l'exécution des projets et des résultats financiers», a réitéré M. Stevenson.

Si elle est reconnue coupable d'avoir enfreint la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, la firme d'ingénierie pourrait perdre le droit soumissionner sur des appels d'offres du gouvernement canadien pendant 10 ans.

M. Bruce, qui possède 30 ans d'expérience dans le secteur de l'ingénierie et de la construction, avait été embauché par la société en janvier 2013 pour diriger la division pétrolière et gazière depuis Londres, au Royaume-Uni.

Sa nomination survient alors que SNC-Lavalin a vu ses profits fléchir de 17,6 pour cent, à 26,5 millions $, au deuxième trimestre, en raison de son secteur des infrastructures qui était aux prises avec de coûteux problèmes sur deux importants projets au Canada.

«Nous avons beaucoup de projets et un gros carnet de commandes (12,4 milliards $ au deuxième trimestre), a expliqué le président du conseil d'administration. Ce que nous voulons voir, ce sont des résultats plus forts.»

Au Canada, SNC-Lavalin a récemment décroché deux contrats majeurs, soit ceux entourant la construction du nouveau pont Champlain ainsi que du projet de ligne de train léger sur rail Eglinton Crosstown, dans la région de Toronto, ce qui, selon M. Stevenson, fait partie des défis du nouveau patron de la compagnie.

En dépit du changement de garde, M. Stevenson a assuré que la stratégie de la firme d'ingénierie demeurera la même. Au cours des dernières années, SNC-Lavalin a repositionné ses activités en vendant sa participation dans le réseau albertain de transport d'électricité Altalink en plus d'avoir mis la main sur la société britannique Kentz, spécialisée dans le secteur des hydrocarbures.

Divers analystes qui suivent les activités de la firme d'ingénierie ont accueilli favorablement la nomination de M. Bruce, puisque certains s'attendaient à ce qu'il succède à M. Card lorsqu'il a été nommé chef de l'exploitation.

«Même si à notre avis M. Card a fait de l'excellent travail dans ce qui été la période la plus difficile de l'histoire de SNC-Lavalin, l'entreprise fait face à des défis en ce qui a trait à son exécution (de ses projets)», estime l'analyste Yuri Link, de Cannacord Genuity, dans un rapport.

Le président du conseil d'administration de SNC-Lavalin a par ailleurs réfuté les allégations de l'ex-cadre Riadh Ben Aïssa, qui, dans des documents judiciaires, allègue que la haute direction de la firme d'ingénierie était au courant que des pots-de-vin avaient été versés afin d'obtenir des contrats en Libye, alors sous le régime de Mouammar Kadhafi.

La multinationale poursuit son ancien employé, à qui elle reproche d'être à l'origine des scandales ayant terni sa réputation au cours des dernières années.

«J'étais sur le conseil d'administration à l'époque, a dit M. Stevenson. On ne savait rien. Quand on l'a su, au début de 2012, on a pris les mesures nécessaires. Je suis en désaccord avec ce que dit M. Ben Aïssa.»

L'action de SNC-Lavalin [[|ticker sym='T.SNC'|]] a rendu lundi 1,54 $, soit 3,9 pour cent, à la Bourse de Toronto, où elle a clôturé à 37,63 $.