Cinq mois après l'acquisition de la firme d'ingénierie Dessau, dont le nom a été entendu souvent à la commission Charbonneau, Stantec n'a aucun regret.

«Cela faisait 20 ans que nous voulions avoir une présence forte au Québec et c'est agréable de pouvoir enfin accomplir cet objectif», affirme Bob Gomes, PDG de Stantec, en entrevue avec La Presse Affaires dans les bureaux de Dessau au centre-ville, qui arborent désormais le logo de la firme albertaine. Avant, la présence de Stantec se limitait à un bureau d'une cinquantaine de personnes dans l'arrondissement de Saint-Laurent.

Stantec a déboursé environ 100 millions de dollars pour mettre la main sur Dessau, dont le chiffre d'affaires s'élève à environ 130 millions par année.

La firme d'Edmonton avait un oeil sur Dessau depuis près de deux ans lorsque l'acquisition a été annoncée, l'automne dernier. Dessau était à vendre depuis le départ, en 2013, des frères Rosaire et Jean-Pierre Sauriol, fils du cofondateur de l'entreprise, Paul-Aimé Sauriol. Devant la commission Charbonneau, Rosaire Sauriol avait admis que Dessau a trempé dans des affaires de collusion et de financement politique occulte.

Bien sûr, l'acheteur a procédé à une vérification diligente particulièrement rigoureuse pour s'assurer de ne pas se retrouver avec de mauvaises surprises.

«Notre chef de l'exploitation, Rich Allen, est ingénieur et avocat. Il connaît bien les lois anticorruption. Je lui ai dit: «Va à Montréal, va parler aux gens de Dessau et tu me diras ce que tu en penses». Il est revenu et il m'a dit: «Je leur fais confiance». Ils ont été très ouverts, très transparents, ils n'essayaient pas de cacher quoi que ce soit. Nous n'avons pas eu à changer quoi que ce soit [sur le plan de l'éthique], ça avait déjà changé.»

Impact hors Québec

Sans souhaiter la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie au Canada anglais, Bob Gomes estime que les entreprises nord-américaines ont tiré les leçons de la crise qu'a connue le Québec.

«Je pense que tout le monde admet que les choses devaient changer. [La commission Charbonneau] a aidé à faire le ménage ailleurs. On peut toujours dire que la situation [au Canada anglais et aux États-Unis] n'était pas aussi grave, mais il y avait des éléments de ce qui s'est produit au Québec qui s'est aussi produit dans d'autres régions. Ç'a été bon pour l'industrie partout en Amérique du Nord que ça attire autant l'attention: ç'a rappelé à tout le monde: «Ne faites pas cela».»

Il y a trois ans, par exemple, Stantec a cessé d'inviter des clients à des événements comme des matchs de hockey. «C'est toujours important d'établir de bonnes relations avec nos partenaires d'affaires, mais ça peut se faire autour d'un café», lance M. Gomes.

Jusqu'ici, l'intégration de Dessau s'est faite sans trop de heurts, si ce n'est la facture de plusieurs millions pour franciser tous les systèmes informatiques de Stantec. Bob Gomes attribue cette réussite préliminaire à la volonté ferme des salariés de Dessau de passer à autre chose. «Ils sentent maintenant qu'ils font partie d'une entreprise forte et toutes les craintes quant à l'avenir sont disparues et se sont transformées en espoir», explique-t-il.

Cela dit, le dirigeant est bien conscient des difficultés du marché québécois. «C'est l'une des régions [en Amérique du Nord] où les marges bénéficiaires sont plus faibles en raison de la forte concurrence, note-t-il. Il faut l'accepter. Ça ne nous dérange pas parce qu'en gérant adéquatement le travail, il demeure possible de dégager de très bons bénéfices.»

Stantec compte désormais offrir son savoir-faire dans le secteur des ressources naturelles aux entreprises qui exploitent des mines au Québec. À l'inverse, la firme souhaite déployer à l'extérieur de la province l'expérience de Dessau en matière de télécommunications et de sécurité.

L'entreprise soutient qu'au cours des derniers mois, le regroupement des compétences de Stantec et de Dessau lui a permis de décrocher des contrats auprès de VIA Rail (ingénierie générale), de la Ville de Montréal (pont ferroviaire), de l'hôpital du Sacré-Coeur (mécanique et électricité) et de l'Assemblée nationale (sécurité du périmètre extérieur).

Stantec en bref

> Fondation: 1954

> Employés: 15 000

> Revenus annuels: 2 milliards

> Principaux actionnaires: Fidelity Investments (10%), Banque de Nouvelle-Écosse (6%), Jarislowsky Fraser (5%), Mawer Investment Management (4%), Banque Royale du Canada (3%)