Plusieurs observateurs ont été étonnés de la décision d'Ottawa de retenir SNC-Lavalin pour la construction du nouveau pont Champlain alors que la firme montréalaise est sous le coup d'accusations de fraude et de corruption. Mais il n'y a rien à craindre, a martelé jeudi le PDG, Bob Card.

«Le public devrait être grandement rassuré parce que je pense que nous sommes parmi les meilleurs de notre industrie en matière d'éthique», a-t-il déclaré en conférence de presse après la tenue de l'assemblée annuelle des actionnaires.

Des accusations

En février, la Couronne a déposé des accusations de fraude et de corruption en lien avec des malversations alléguées survenues en Libye. Cela n'a pas empêché le gouvernement fédéral, le mois dernier, de retenir le consortium Signature sur le Saint-Laurent, dont fait partie SNC, pour la construction du nouveau pont Champlain. Le contrat pourrait générer des revenus de près de 2,5 milliards de dollars pour l'entreprise. L'autre géant montréalais de l'ingénierie, WSP, était aussi sur les rangs.

Lors de l'annonce du choix du consortium, le ministre Denis Lebel avait jugé peu probable la possibilité de retirer SNC-Lavalin du chantier, quoi qu'il arrive des accusations portées contre elle.

Éviter un procès

Cela dit, la haute direction de SNC continue de tout faire ce qui est en son pouvoir pour éviter un procès dans cette affaire. Si l'entreprise devait être reconnue coupable, elle aurait beaucoup de mal à décrocher des contrats, tant au Canada qu'à l'étranger, a souligné M. Card.

«Nos clients prestigieux, qui n'ont jamais été reconnus coupables, nous demanderaient "pourquoi cela vous est-il arrivé?"», a-t-il avancé.

SNC-Lavalin tente de convaincre Ottawa d'adopter la façon de faire en vigueur dans plusieurs autres pays, dont les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Là-bas, les entreprises à qui l'on reproche des gestes de corruption peuvent être mises à l'amende sans avoir à admettre officiellement leur culpabilité.

Bob Card a donné l'exemple de la société française Alstom, qui a versé une amende de 772 millions US à Washington pour avoir corrompu des responsables gouvernementaux dans plusieurs pays, dont l'Arabie Saoudite et l'Indonésie. À ses yeux, le modèle américain encourage les entreprises à dévoiler volontairement les cas de malversations puisque les pénalités sont plus importantes quand ce sont les autorités qui découvrent le pot aux roses.

Une amende de 100 millions?

En 2013, un analyste avait évalué à 100 millions l'amende que pourrait devoir verser SNC-Lavalin. Jeudi, M. Card n'a pas voulu dire combien l'entreprise était prête à débourser pour régler le dossier. «Nous allons accepter un règlement équitable pour tout ce qui s'est passé, a-t-il affirmé. Un règlement qui protège nos employés et l'économie tout en démontrant une imputabilité adéquate pour les gestes posés. Nous n'essayons pas de nous sauver de quoi que ce soit, nous voulons seulement créer la meilleure solution possible pour toutes les parties prenantes.»

Le dirigeant s'est réjoui de la décision récente du gouvernement conservateur de revoir son cadre d'intégrité, qui lui permet actuellement d'exclure de tout contrat fédéral une entreprise reconnue coupable de fraude ou d'autres infractions criminelles, et ce, pendant 10 ans.

Il voit aussi d'un bon oeil le changement législatif qui permettra à la Caisse de dépôt et placement de gérer des projets d'infrastructures au Québec, dont le système de transport collectif sur le nouveau pont Champlain. «Comme nous sommes un acteur important dans ce secteur, nous pensons que c'est bon pour nos affaires», a-t-il dit. Rappelons que la Caisse est le plus important actionnaire de SNC avec une participation de 11,3 %.

SNC-Lavalin a par ailleurs annoncé jeudi un important programme de rachat d'actions afin d'accroître son cours boursier. L'entreprise pourrait racheter jusqu'à 8,7 % de ses actions, ce qui représenterait un investissement de près de 600 millions au cours de clôture d'hier. Le titre a gagné 5,5 % pour terminer la séance à 45,33 $, à la Bourse de Toronto.