Plusieurs dizaines d'employés de Recherches InterCore Canada ont appris de façon brutale la disparition de leur emploi, jeudi dernier, quand des huissiers ont pénétré dans les bureaux de l'entreprise de Griffintown pour sommer tout le monde de quitter les lieux.

La société, filiale du groupe floridien InterCore, s'est fait connaître pour avoir conçu un détecteur de fatigue au volant. Raphaël Huppé, l'homme d'affaires derrière cette invention et l'une des têtes dirigeantes du groupe, a déjà été accusé de fraude, vol, recel et placement illégal par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l'Autorité des marchés financiers (AMF), puis condamné par la Cour du Québec.

«Dans les dernières semaines, on voyait bien que ça bougeait, les dirigeants avaient meeting après meeting, a raconté un ex-employé qui a requis l'anonymat. Ç'a été une fermeture un peu sauvage quand les huissiers sont arrivés jeudi.»

Sous haute surveillance

Des gardiens de sécurité étaient postés devant toutes les entrées des bureaux d'InterCore quand La Presse Affaires a visité les lieux, hier après-midi. Des employés d'EY, le syndic chargé de faire la lumière dans ce dossier, sortaient du matériel informatique et des caisses de documents.

Selon certaines sources, environ 70 personnes travaillaient toujours pour Huppé&Co. (l'entreprise qui regroupe Recherches InterCore Canada, un studio de photos, une boîte de production d'événements et d'autres départements) quand les huissiers sont arrivés.

Les employés ont reçu deux lettres de la haute direction américaine, remises par des huissiers. L'une de ces lettres, reçues jeudi dernier, leur demandait de quitter immédiatement les lieux et de remettre tout matériel appartenant à l'entreprise. L'autre leur apprenait que leur «emploi prend fin immédiatement». (Il a été impossible de savoir si tous les employés ont reçu cette lettre.)

Les travailleurs restent plongés dans l'incertitude quant aux causes réelles de cette saisie et aux prestations qu'ils pourront toucher. «On espère avoir des nouvelles parce qu'ils nous doivent encore du salaire», a témoigné l'un d'eux.

EY refuse pour le moment de commenter ce dossier pour des raisons de confidentialité. Un homme se présentant comme un des dirigeants d'InterCore a affirmé que la société ne fermerait pas ses portes. «On fait juste en réduire la taille», a-t-il dit lorsque La Presse Affaires l'a croisé dans le stationnement du groupe, hier. Il a refusé de s'identifier.

Il a été impossible de parler aux dirigeants d'InterCore. Les appels faits au siège social de Delray, en Floride, sont restés sans réponse, tout comme un courriel envoyé au département de relations publiques. Les sites web d'InterCore et de SRG International, ancien nom de la filiale canadienne, ne fonctionnent plus. Personne ne répondait au téléphone aux bureaux montréalais de Huppé&Co.

Un passé trouble

Selon le Registraire des entreprises du Québec, l'administrateur principal et président de Recherches InterCore Canada est Claude Brun. Raphaël Huppé se décrit sur son site web comme le directeur de la recherche du groupe et comme un philanthrope et un «fauteur de trouble».

En avril 2014, M. Huppé a été accusé par la GRC d'avoir mis en place «un stratagème ayant permis de flouer plusieurs centaines d'investisseurs» dans une ancienne société, Effective Control Transport. La fraude dépasserait les 4 millions de dollars.

Selon l'accusation, l'homme et sa présumée complice, Manon Chiasson, ont diffusé des communiqués de presse mensongers en vue d'inciter les investisseurs à acheter des actions de l'entreprise. Les suspects auraient ensuite détourné une grande partie des millions récoltés «à d'autres sociétés leur appartenant ou à des fins personnelles».

La GRC a déposé neuf nouveaux chefs d'accusation contre Raphaël Huppé ce printemps: trois pour non-respect de condition, trois pour fraude, un pour faux prospectus, un pour vol et un autre pour recel. «Il aurait été arrêté au mois de mars, gardé en détention et relâché la semaine dernière», a indiqué hier le caporal François Gagnon, de la GRC.

Raphaël Huppé a par ailleurs été reconnu coupable de 60 infractions liées au placement illégal d'Effective Control Transport par la Cour du Québec, en octobre dernier. L'enquête a permis de démontrer qu'il aurait «illégalement» incité des investisseurs à acheter des actions pour une valeur de 740 000$ entre 2008 et 2010.