Il est à souhaiter que le froid mordant de cet hiver polaire aiguillonne l'activité économique québécoise, entrée en léthargie en fin d'année.

Après tout, on peut rêver, ne serait-ce que pour se réchauffer!

La réalité est plutôt glaçante: la croissance réelle a fléchi en novembre pour un deuxième mois d'affilée, et les indicateurs de décembre publiés jusqu'ici ne permettent pas de conclure à un redressement convaincant.

Le produit intérieur brut (PIB) réel a reculé de 0,3% en novembre, soit davantage que le repli de 0,2% observé d'un océan à l'autre. Les données négatives de l'Institut de la statistique du Québec publiées hier s'ajoutent à la décroissance de 0,2% d'octobre alors que l'économie canadienne avait progressé de 0,3% dans son ensemble, selon Statistique Canada.

Et tandis que le rythme annualisé de l'expansion réelle canadienne a sans doute été de 2% environ, au quatrième trimestre, en dépit du ralentissement amorcé de l'industrie pétrolière, celui de sa société distincte n'aura pas atteint 1%, limitant à au plus 1,5% la croissance de 2014.

Cela a commencé à se refléter dans les rentrées fiscales. Les opérations financières de novembre publiées hier par le ministère des Finances indiquent une première détérioration mensuelle par rapport à 2013. Les revenus autonomes de Québec étaient inférieurs de 163 millions à ceux de novembre 2013. Le manque à gagner vient de l'impôt sur le revenu des particuliers et des taxes à la consommation.

Le minibudget du ministre des Finances Carlos Leitao déposé en décembre fait l'hypothèse d'une croissance de 1,6%. Pour 2015, il table sur 1,9%.

Plus tôt cette semaine, les Études économiques de Desjardins ont mis à jour leur scénario qui prévoit plutôt un rythme d'expansion de 1,7% pour cette année et de 1,5% seulement en 2016.*

«La faiblesse des prix du pétrole et du dollar canadien ainsi que la vitalité de l'économie américaine auront un effet tonifiant sur l'économie du Québec», y lit-on pour justifier le chiffre de 1,7%.

«Les mesures budgétaires annoncées par le gouvernement provincial limiteront toutefois la progression du PIB réel», ajoute l'institution lévisienne.

Jusqu'ici, la faiblesse des prix du pétrole n'incite pas trop les consommateurs québécois à dépenser ailleurs.

En décembre, les ventes des détaillants ont reculé un peu partout au Canada, après un mois de novembre où, il est vrai, le Vendredi fou a incité les ménages à... faire des folies.

On avait observé le même phénomène l'an dernier, et il est hautement probable que Statistique Canada ne soit pas encore parvenue à maîtriser cette nouvelle donne dans son processus de désaisonnalisation, qui peine aussi à jauger la popularité des cartes-cadeaux, compilées au moment de leur utilisation, et des achats en ligne qui échappent en partie aux détaillants ayant pignon sur rue.

Plusieurs économistes ont relevé que les faibles chiffres de décembre vont à l'encontre d'autres indicateurs comme les ventes des manufacturiers et le commerce de gros qui ont fortement progressé en décembre.

Fait à signaler toutefois, le commerce de gros a progressé de 0,4% seulement au Québec contre 2,5% d'un océan à l'autre. En 2014, le commerce de gros a augmenté de 11,2% au Canada, soit le double de la hausse observée au Québec.

C'est la même histoire avec les ventes des détaillants québécois qui ont moins progressé que celles des détaillants des autres provinces, en 2014.

La chute des prix de l'essence n'arrange pas les choses cet hiver. D'abord, les prix à la pompe ont remonté quelque peu en février.

Surtout, l'argent épargné ira gonfler les coffres d'Hydro-Québec plutôt que les tiroirs-caisses des magasins.

Le froid polaire peut être une manne inespérée pour aider Québec à contenir son déficit à 2,35 milliards en 2014-2015, mais il n'est pas de nature à stimuler les emplettes.

La production d'électricité représente environ 4% du PIB québécois contre 6% pour le commerce de détail.

Dernière observation, mais non des moindres: la production en usines a reculé de 2,5% en novembre, mais elle reste en hausse de 2,4% après 11 mois en 2014 par rapport aux 11 premiers mois de 2013.

C'est certes encourageant. Il faut se rappeler toutefois que le rythme de croissance américain a ralenti durant l'automne et décélère encore cet hiver, tout en restant enviable.

Le passé n'est pas ici parfaitement garant de l'avenir. Le Québec n'avait pas en la Chine et le Mexique des concurrents redoutables sur le marché américain lors des fortes reprises de 1992 et de 2002-2003 où ses exportations ont bondi. Enfin, il s'est détruit beaucoup de capacités de production manufacturière durant la décennie 2000, si bien que les usines québécoises ne seraient pas forcément en mesure de satisfaire une poussée rapide de la demande, si elle survenait.

*Pour consulter l'étude: www.desjardins.com/ressources/pdf/pefm1502-f.pdf