Le ministre de l'Économie, Jacques Daoust, s'est montré préoccupé quant à l'avenir de SNC-Lavalin, vendredi, au lendemain des accusations de corruption et de fraude déposées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contre l'entreprise.

En marge d'une allocution devant l'Association des MBA du Québec, M. Daoust s'est de nouveau porté à la défense de la firme d'ingénierie - qui conteste les accusations - la qualifiant de «joyau» qu'il fallait préserver «à tout prix».

Il a entre autres déploré la possibilité que SNC-Lavalin ne soit plus en mesure de soumissionner sur des appels d'offres du gouvernement canadien pendant 10 ans parce qu'elle aurait enfreint la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.

«Elle a un grand bloc de compétences, et si elle ne peut plus aller chercher de contrats, ça serait dommage que ces compétences, qui sont chez nous, soient remises en question», a-t-il dit lors d'une mêlée de presse.

Le ministre Daoust a estimé que cette sanction de 10 ans était particulièrement sévère et longue pour une entreprise qui a fait un «grand ménage» au sein de sa direction en plus d'assainir ses pratiques.

«Prenez Apple sur 10 ans par exemple, a-t-il analysé. Regardez la taille de SNC-Lavalin il y a 10 ans par rapport à maintenant. Ce n'est plus la même entreprise.»

Une telle interdiction de soumissionner ne s'appliquerait toutefois pas aux appels d'offres du gouvernement du Québec, puisque la société a déjà obtenu le feu vert de l'Autorité des marchés financiers.

M. Daoust a repris ses propos formulés la veille à l'Assemblée nationale, où il avait affirmé que les individus ayant commis des actes répréhensibles faisaient déjà face à des poursuites et que SNC-Lavalin a collaboré avec la police fédérale.

«Faudra voir comment SNC-Lavalin se défend, a-t-il observé. Peut-elle adopter une approche pour tenter d'en arriver à un règlement. Je ne suis pas avocat.»

Selon la GRC, SNC-Lavalin aurait versé 47,7 millions de dollars à des titulaires de charges publiques en Libye dans le but de les influencer. De plus, ses divisions construction et international auraient privé diverses organisations locales d'environ 129,8 millions.

Trois autres individus - les ex-hauts dirigeants Sami Abdallah Bebawi et Stéphane Roy, ainsi que l'avocat de M. Bebawi - ont déjà été accusés par la GRC dans le cadre du projet Assistance, qui s'est amorcé en 2011.

M. Daoust a toutefois concédé que peu d'outils semblaient à la disposition du gouvernement Couillard afin d'influencer les autorités fédérales dans ce dossier.

«Nous ne pouvons pas intervenir, a-t-il dit. La seule façon d'aider, s'il y a une restructuration (de l'entreprise), et nous sommes loin d'en être arrivés là, c'est de voir comment on pourrait en faire partie.»

En octobre dernier, le président et chef de la direction de SNC-Lavalin [[|ticker sym='t.snc'|]] , Robert Card, avait laissé entendre que le dépôt d'accusations criminelles pourrait mener au démantèlement de la firme et menacer les quelque 5000 emplois de son siège social montréalais.

Questionné à ce sujet, le ministre de l'Économie ne s'est pas montré inquiet, refusant toutefois de spéculer sur les intentions de la firme d'ingénierie.

«Il y a 1000 façons de faire pour changer d'endroit le siège social, a-t-il affirmé. Nous avons de bonnes communications avec SNC-Lavalin et j'aurai l'occasion de parler avec M. Card pour savoir où la direction veut aller.»

M. Daoust a toutefois laissé entendre que la situation actuelle ne permettra pas à SNC-Lavalin de se soustraire aux dispositions du projet de loi 26 visant à récupérer les sommes obtenues à la suite de malversations dans le cadre de contrats publics.

Fondée en 1911, la firme emploie 45 000 personnes à travers le monde - dont 16 650 au Canada. Elle se spécialise notamment dans les secteurs des infrastructures, des hydrocarbures et des mines.