Le Québec, un important producteur mondial, ne fabriquera plus de papier journal contenant des fibres recyclées, avec la fermeture de l'atelier de pâte désencrée de Kruger à Bromptonville, le dernier encore en activité.

C'est un autre coup dur pour l'industrie du recyclage au Québec, qui se porte déjà très mal. Le papier, le verre et le plastique récupérés à grands frais sont de plus en plus expédiés dans les sites d'enfouissement ou exportés en Asie.

Chez Kruger, on explique qu'on n'avait pas le choix. La demande n'était tout simplement plus là, dit Daniel Archambault, vice-président exécutif et chef de l'exploitation de Kruger, lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

«Le papier journal qui contient de la fibre recyclée coûte plus cher à produire, et ça ne se vend pas plus cher», a-t-il précisé.

Importer de vieux journaux

L'entreprise devait importer la plus grande partie des vieux journaux depuis les États-Unis, ce qui, avec la baisse de la valeur du dollar canadien, lui coûtait de plus en plus cher. La décision de cesser de produire du papier journal à contenu recyclé s'est imposée, d'autant que le marché des journaux est en crise et que la consommation de papier journal est en chute libre en Amérique du Nord.

Au début des années 90, le gouvernement du Québec avait aidé financièrement les producteurs de pâtes et papiers à se doter d'installations de désencrage pour inclure une partie de fibres recyclées dans leur production.

Avec la fermeture des installations de Kruger à Bromptonville, il ne reste plus qu'une usine au Canada qui produit du papier journal avec une part de contenu recyclé, celle de Résolu à Thorold, en Ontario.

Le retrait de Kruger de ce marché libérera de 100 000 à 120 000 tonnes de vieux papiers par an. Faute de gros utilisateurs, les journaux récupérés ici seront exportés, surtout en Chine, comme un grand nombre d'autres produits qui se retrouvent dans les bacs de récupération du Québec.

Même si son taux de récupération est relativement élevé, le Québec a de plus en plus de mal à recycler la matière récupérée, qui finit par être vendue à des courtiers qui l'exportent sur les marchés mondiaux.

«Ce qu'on exporte, c'est une matière qui a coûté très cher aux contribuables pour la récupération, le tri et le transport», déplore Karel Ménard, du Front commun québécois pour la gestion écologique des déchets.

Selon lui, il y a des avantages économiques à recycler les matières récupérées. De nouvelles filières industrielles innovatrices pourraient voir le jour au Québec plutôt qu'ailleurs dans le monde. Quand on exporte les matières récupérées, on n'a aucune idée de la façon dont elles sont traitées et de l'impact qu'elles finissent par avoir sur l'environnement.

De moins en moins de recyclage au Québec

Le Québec exporte de plus en plus les matières récupérées dans les bacs, plutôt que de les recycler ou les revaloriser, selon le plus récent bilan de Recyc-Québec.

Part des matières récupérées recyclées au Québec

2008 63%

2010 49%

2012 48%

Part des matières récupérées exportées

2008 30%

2010 49%

2012 52%

De moins en moins de recycleurs

Le message a fini par passer, et les Québécois récupèrent de plus en plus les piles plutôt que de les jeter à la poubelle. Mais comme il n'existe aucun recycleur au Québec, les piles récupérées sont toutes exportées, notamment en Pennsylvanie, où l'on récupère le nickel qu'elles contiennent.

Comme pour le papier journal, les recycleurs sont en voie de disparition dans le secteur du plastique. Le plus gros recycleur de plastiques du Québec, Recyc RPM, une entreprise de la région de Québec, est devenu en octobre la plus récente société à jeter l'éponge, notamment en raison de la mauvaise qualité de la matière qui lui était vendue par les centres de tri.

Des ratés importants dans la récupération

Les bouteilles vides non consignées que les Québécois récupèrent chaque année ne peuvent pas être recyclées, parce que le verre est contaminé par les autres matières qui sont mises pêle-mêle dans le bac de récupération. Les deux tiers d'entre elles finissent au dépotoir.

De même, les petits formats de yogourt sont consommés et récupérés en grande quantité au Québec, mais ils ne sont pas recyclés parce qu'ils sont faits d'un type de plastique qui n'est pas accepté par les centres de tri. Ils prennent donc le chemin du site d'enfouissement.

238 millions de tonnes

Entre 1992 et 2011, le commerce international des déchets est passé de 50 millions de tonnes à 238 millions de tonnes.

Source : CIRANO

Exportateurs et importateurs

Le Canada est dans le top 10 des pays exportateurs de matières résiduelles. Sans surprise, les pays qui exportent le plus sont les pays industrialisés qui consomment le plus et dont les coûts de main-d'oeuvre sont élevés.

Les principaux pays exportateurs de déchets

1. États-Unis

2. Allemagne

3. Japon

4. Royaume-Uni

5. Pays-Bas

6. France

7. Russie

8. Belgique-Luxembourg

9. Canada

10. Chine

Source : CIRANO