ANALYSE - Après Martin Coiteux, c'est au tour du ministre des Finances Carlos Leitao de se mettre sur la sellette. Il présentera mardi sa mise à jour automnale de l'état des finances publiques, qui aura la substance d'un mini budget.

L'annonce de mesures budgétaires inspirées en partie des travaux de la Commission sur la fiscalité présidée par Luc Godbout visera à permettre le retour à l'équilibre pour l'exercice 2015-2016, sans devoir recourir à des annonces à caractère rétroactif dans le prochain discours sur le budget, l'hiver ou le printemps prochain.

L'atteinte du déficit zéro est déjà compliquée avec la décision de limiter à 0,7 % la croissance des dépenses de programmes l'an prochain sans rompre la paix sociale. Elle le sera d'autant plus que la cible d'une croissance des revenus autonomes de 3,6 % cette année et de 3,5 % l'an prochain, fixée en juin, paraît maintenant très ambitieuse.

L'exemple de l'Ontario est éclairant à cet égard. Il y a deux semaines, son ministre des Finances, Charles Sousa, a présenté sa mise à jour, qui faisait état de revenus inférieurs de quelque 500 millions à ceux prévus dans son budget de juin. La cible de déficit à 12,5 milliards est maintenue toutefois, grâce à une augmentation de 200 millions moins élevée que prévu du service de la dette et à une diminution de 300 millions, à hauteur de 700 millions, de la réserve pour éventualités.

M. Leitao projetait en juin une croissance réelle de 1,8 % pour contenir le déficit à 2,35 milliards cette année. Tout indique qu'elle sera plutôt de 1,5 % ou 1,6 %.

Certes, M. Leitao aura sans doute profité lui aussi d'un service de la dette moins élevé que projeté, compte tenu de la forte baisse des taux d'intérêt obligataires et de la gestion très opportuniste des emprunts orchestrée par le ministère des Finances.

Le ministre ne pourra pas piger, toutefois, comme M. Sousa, dans sa réserve: il n'en a pas prévu, ni pour l'exercice en cours ni pour le prochain.

Les rentrées fiscales encourageantes durant l'été ne doivent pas faire illusion. L'économie québécoise s'est contractée durant juillet et août et cela va sans aucun doute se refléter dans les rentrées automnales.

M. Leitao a aussi un handicap que M. Sousa n'a pas.

La révision des comptes publics, publiée par Statistique Canada le 5 novembre, montrait que la croissance réelle de l'économie québécoise avait été seulement de 1,0 % en 2013. L'ex-ministre des Finances Nicolas Marceau l'avait estimée à 1,2 % quand il avait projeté un déficit de 2,5 milliards, dans son plan budgétaire de février. M. Leitao, à 1,1 %, quand il avait haussé l'estimation à 3,1 milliards, en juin.

Bref, on pourrait apprendre demain que le manque à gagner de 2013-2014 était un peu plus élevé.

L'agence fédérale évalue désormais que la taille de l'économie québécoise (le PIB nominal) était de 362,8 milliards en 2013, soit 1,8 milliard de moins que l'estimation du budget de juin. S'il est toujours vrai que les revenus autonomes de Québec correspondent grosso modo à 20,5 % du PIB nominal, considéré comme une évaluation assez fidèle de l'assiette fiscale, alors ils ont été aussi moins élevés de quelque 350 millions.

Cette révision complique la vie de M. Leitao. Si Québec maintient sa projection d'une hausse de 3,6 % de ses revenus autonomes en 2015-2016, alors il doit compter sur moins de recettes puisque la taille de l'assiette fiscale est plus faible que celle sur laquelle il avait appuyé sa prévision.

Tout cela montre l'ampleur de la tâche pour revenir à l'équilibre en 2015-2016.

Il paraît bien difficile de diminuer davantage la croissance des dépenses de programmes, limitée, répétons-le, à 0,7 % l'an prochain.

À pareille progression, les dépenses diminuent en fait, si on tient compte de l'inflation. D'aucuns pensent qu'il s'agit d'austérité et non de rigueur. Avec tous les risques que cela comporte de rompre la faible expansion de l'économie, comme le rappelaient la semaine dernière l'OCDE et le FMI, en analysant l'Europe.

Heureusement, depuis juin, le dollar canadien a faibli et le prix du pétrole a chuté. Cela favorise les exportations, diminue les coûts de production des manufacturiers et ceux de leurs expéditeurs.

C'est en tout cas ce que soutient Desjardins dans une récente étude.

En prime, la faiblesse du dollar nourrit l'inflation, ce qui gonfle l'assiette fiscale.

Tout cela donne un peu d'air au ministre des Finances qui sait fort bien, en bon macroéconomiste, qu'il reste trop rare pour être gaspillé.